France

Port du voile dans les bureaux de vote : l'Assemblée rejette l'interdiction pour les assesseurs

Le débat était électrique le 29 juin à l'Assemblée nationale où les macronistes et la gauche ont voté contre un amendement du MoDem visant à interdire le port du voile islamique pour les assesseurs dans les bureaux de vote.

Après la polémique du 20 juin où une assesseure avait été prise en photo voilée lors du premier tour des élections régionales et départementales, l'Assemblée nationale a tranché après deux heures de débat. Un amendement du MoDem (faisant partie de la majorité présidentielle), sur le projet de loi concernant le «respect des principes de la République» (ou loi séparatisme), visait à interdire tout signe religieux ostentatoire pour le personnel des bureaux de vote. Mais son allié de La République en marche ainsi que des socialistes et La France insoumise se sont opposés au texte.

Le député du MoDem, François Pupponi, a fait valoir les contradictions des macronistes sur le sujet, en s'adressant à la majorité. Durant son intervention, il a notamment relevé que «l'islam politique» essayait «de s'implanter [et allait] tout faire pour mettre des gens qui représentent leur modèle politique, y compris [...] pour influencer le vote» : «Parce que quand vous rentrez dans un bureau de vote, on sait très bien comment ces réseaux agissent. Si vous ne comprenez pas que c'est un moyen pour faire pression [...] sur les électeurs, là vous êtes en train de vous tromper [...] Soit on laisse faire et on dit "oui l'islam politique a le droit de s'implanter avec ses moyens d'action et c'est comme ça" mais [...] ne fait[es] pas une loi qui dit qu'on va lutter contre l'islam politique.»

Dans la même veine, son collègue du MoDem Bruno Millienne a rappelé que si les marcheurs voulaient que l'élection soit «sacralisée» dans un bureau de vote, alors celui-ci se devait d'être «totalement neutre» avec des assesseurs qui devaient tout autant «être d'une neutralité totale qu'elle soit politique ou religieuse». Il a rétorqué à l'élue LREM Laetitia Avia – qui a qualifié l'amendement du MoDem d'«un amendement de Jordan Bardella» (du nom de l'eurodéputé du Rassemblement national pris en photo avec la femme voilée lors du vote) – qu'il s'agissait «du simple bon sens».

Opposée au MoDem sur ce texte, la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a appelé à «ne pas alimenter une spirale de stigmatisation et de haine», en soulignant que dès qu'un assesseur remplaçait le président du bureau il était déjà tenu d'enlever tout éventuel signe religieux.

La tension est montée d'un cran après la prise de parole du député Les Républicains (LR) Eric Ciotti. Celui-ci a déploré l'alliance d'une partie de la majorité macroniste avec La France insoumise (LFI). «Monsieur Coquerel [député LFI] a qualifié l'amendement porté par le groupe MoDem et par monsieur Pupponi d'amendement d'extrême droite, je crois qu'on atteint le degré zéro de la politique», a-t-il dénoncé, ajoutant que La République en marche «refusait de s'attaquer aux vrais problèmes» avec un projet de loi qui ne serait qu'un «filet d'eau tiède». Il a également relevé, ce qu'il a jugé être, les prises de position des parlementaires LREM : «Il n'y a pas de problème de voile à l'école pour les accompagnants scolaires, il n'y a pas de problème de prosélytisme dans les piscines comme c'est le cas à Grenoble, il n'y a pas de problème dans les bureaux de vote... Circulez, il n'y a rien à voir. On ne change rien, on ne bouge rien. Et on se donne rendez-vous à la prochaine attaque terroriste.»

Marlène Schiappa a alors repris la parole fustigeant le parallèle d'Eric Ciotti entre «cette dame qui s'est levée tôt pour [...] être assesseure bénévolement et un acte terroriste et la comparer à des assassins». «Je suis scandalisée», a-t-elle martelé. «Je veux rendre hommage à cette dame et on devrait avoir plus de bénévoles qui se lèvent quel que soit ce qu'ils ont ou pas sur la tête pour tenir les bureaux de vote. Peut-être qu'avec plus de dames comme elle et moins de gens comme vous, peut-être que la démocratie se porterait mieux», a-t-elle conclu sous les applaudissements de la macronie.

Sur la même ligne que les marcheurs, la socialiste Lamia El Aaraje a en outre déclaré à l'attention des Républicains qu'elle avait envie de «vomir» quand elle entendait que la France n'était pas un «pays multiculturel»

L'amendement du MoDem a été rejeté par un vote à main levée.