Au second tour des élections régionales comme au premier, une grande majorité des électeurs français n'a pas souhaité prendre part au scrutin, faisant basculer la France dans des taux d'abstention historiques sous la Ve République. «L'absence de remobilisation au deuxième tour est vraiment surprenante. C'est même un phénomène sans précédent dans la vie politique française», a déclaré le politologue Jérôme Sainte-Marie cité par l'AFP.
Selon les chiffres officiels, la participation des quelque 48 millions d'électeurs appelés aux urnes s’établissait à 17h à 27,89% en France métropolitaine, soit un point de plus qu'au premier tour (26,72%) et en chute libre par rapport aux régionales de décembre 2015 (50,54%) et aux départementales de mars 2015 (41,92%). Selon une estimation d'Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, le taux moyen d'abstention pour ces deux scrutins s'élèverait à environ à 65% à 20h.
D'après un sondage Ipsos/Sopra-Steria réalisé le 27 juin, les Français qui ont boudé les urnes l'ont fait pour marquer leur mécontentement à l'égard du personnel politique (27%) et exprimer leur désintérêt pour les candidats (23%).
La droite et ses alliés remportent la majorité des régions en France métropolitaine
Les candidats de la droite se sont imposés dans sept régions sur 13 que compte la France métropolitaine et totalisent 38% des voix à l'échelle nationale, selon l'institut Ifop-Fiducial pour LCI/TF1.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Renaud Muselier s'est imposé avec 57% des voix contre 43% pour son rival Thierry Mariani (RN). «Le résultat de ce second tour a démenti tous les sondages et déjoué tous les pronostics, ce soir j’ai gagné et nous avons gagné», a commenté le président de la région Paca ce 27 juin dans la soirée.
Dans le Grand Est, le président sortant LR Jean Rottner s'est également imposé au second tour avec 39% des voix, devançant le RN Laurent Jacobelli de près de 12 points, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions/Radio France/La Chaîne parlementaire. En Normandie, Hervé Morin remporte également le scrutin avec 44,2% des voix devant Mélanie Boulanger (25,9%), Nicolas Bay (20,1%) et Laurent Bonnaterre (9,8%).
Une prime aux sortants confirmée pour les trois présidents de région sortants en pôle position dans leurs fiefs, Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes) et Valérie Pécresse (Ile-de-France) avec respectivement 53%, 43,79% et 45,5% des voix selon les premières estimations.
Le scrutin était particulièrement attendu en Ile-de-France où Valérie Pécresse affrontait la coalition de gauche menée par Julien Bayou (Union de la gauche) avec Clémentine Autain (LFI) et Audrey Pulvar (PS), qui a suscité de nombreuses divisions au sein de la gauche avec des soutiens publics divergents parmi les ténors du Parti socialiste.
«C'est une formidable victoire pour nous, un effondrement pour le RN et une humiliation pour LREM», a assuré le président des Républicains, Christian Jacob, pour qui LR représente «la seule force d'alternance» dans le pays.
La gauche garde ses régions et fait basculer La Réunion
Le président sortant de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset (PS) l'emporte avec 39,9% des voix devant la candidate RN Edwige Diaz, selon les dernières estimations du ministère de l'intérieur. Alain Rousset, qui avait refusé l'alliance à gauche avec les écologistes, devance nettement ses quatre challengers, Edwige Diaz (RN) à 20,37%, Nicolas Florian (LR) à 13,85%, Nicolas Thierry (EELV) à 13,09% et Geneviève Darrieussecq (Modem-LaREM) à 12,71%.
En Occitanie, la socialiste Carole Delga a également été confortablement reconduite avec 58,5% des voix, tout comme François Bonneau en Centre-Val de Loire, et Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté, au terme d’une campagne qui s’annonçait pourtant difficile.
En Bretagne, région emblématique pour la majorité qui y avait obtenu parmi ses meilleurs scores à la présidentielle, le président socialiste sortant Loïg Chesnais-Girard sort en tête avec près de 30% des voix. La gauche peut aussi se targuer de voir une région basculer dans son escarcelle avec Huguette Bello élue à La Réunion face au sortant Didier Robert (DVD).
En Bourgogne-Franche-Comté, la sortante PS Marie-Guite Dufay, alliée aux écologistes et aux communistes, s'est imposée au second tour avec 42,5% des voix, loin devant le candidat LR Gilles Platret (24,4%), selon une estimation.
Le RN déplore «un échec pour la démocratie» et dénonce des «alliances contre nature»
Autre enseignement majeur de ce scrutin, l'incapacité du RN à arriver en tête dans une seule région. Avec 20 % des suffrages recueillis au niveau national, selon les premières estimations de l'Ifop, le RN décroche de dix points par rapport au second tour des régionales de 2015.
A titre d'exemple, le candidat du RN Julien Odoul arrive en troisième position avec 23,7% des voix, devant le LREM Denis Thuriot (9,4%), selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévision/Radio France/La Chaîne parlementaire. Jordan Bardella s'incline face à Valérie Pécresse en Ile-de-France avec seulement 16,53% des voix, de même que Thierry Mariani avec 43% des voix. «C’est un échec pour la démocratie dans son ensemble, quand vous avez un Français sur trois qui se déplace», a déclaré le jeune vice-président du RN Jordan Bardella.
«Ce soir nous ne prendrons pas de région», a reconnu la présidente du RN Marine Le Pen, en dénonçant des «alliances contre nature» de la part des présidents sortants. Affirmant que le résultat en Paca «démontre que la mobilisation est la clé des victoires à venir», elle a pris acte de cette «désaffection civile historique» qui doit selon elle être prise comme «un signal d'alarme pour l'intégralité de la classe politique».
La candidate déclarée du RN pour la présidentielle a également donné «rendez-vous aux Français, dès demain, pour construire tous ensemble l'alternance dont la France a besoin».
Camouflet pour LREM
Déjà boudées au premier tour, les listes LREM-Modem n'ont pas fait mieux ce 27 juin. La République en marche et ses alliés ont recueilli environ 7% de suffrages au second tour des élections régionales alors que le mouvement macroniste avait été éliminé dès le premier tour dans trois régions.
Les scores de la majorité présidentielle sont très faibles, avec à peine plus de 8% pour l'ancien ministre François de Rugy en Pays de la Loire, moins de 13% pour la ministre Brigitte Klinkert dans le Grand Est, environ 13,2% pour sa collègue du gouvernement Geneviève Darrieussecq (MoDem) en Nouvelle-Aquitaine ou 16,1% pour Marc Fesneau (MoDem également) en Centre-Val-de-Loire, où il était pourtant donné favori il y a quelques semaines.
En Bourgogne-Franche-Comté, Denis Thuriot (environ 9,5%) recueille moins de suffrages qu'au premier tour et pâtit d'un vote utile dans une région où le RN était présenté comme menaçant. En Île-de-France, Laurent Saint-Martin essuie également un revers avec environ 9% des suffrages.