France

La France : «Une société pétrie de corporatismes semblables aux guildes d’autrefois», selon Macron

Dans un entretien avec le magazine Zadig, Emmanuel Macron a jugé la France «pétrie de corporatismes». Il a également assimilé le mouvement des Gilets jaunes aux «jacqueries», y voyant le symptôme «d'un retour de la violence dans la société».

Emmanuel Macron a donné un nouveau coup de griffe contre ce qu'il perçoit comme une spécificité française, dans un entretien avec le trimestriel Zadig publié ce 26 mai. Le président de la République y explique que la France est selon lui «une société pétrie de corporatismes semblables aux guildes d’autrefois».

«Aujourd’hui, on ressent à la fois le phénomène des grandes peurs et une fatigue de l’époque, que la pandémie accentue. Les intérêts en présence sont également là, qui ne veulent pas bouger : c’est une société pétrie de corporatismes semblables aux guildes d’autrefois. Pour avancer, il faut réussir à créer des voies d’eau», analyse ainsi le chef de l'Etat, qui juge que son rôle «est, chaque fois, de tracer le bon chemin, d’y mettre le bon mot, même si je fais des erreurs, pour permettre que cela advienne». 

Selon lui, la pandémie de coronavirus «est la métaphore de notre époque». «On revit des temps au fond très moyenâgeux : les grandes jacqueries, les grandes épidémies, les grandes peurs...», développe-t-il. «Je relierais la période que nous vivons à la fin du Moyen Age et au début de la Renaissance. C’est l’époque de phénomènes qui forgent un peuple, je dirais même de la réinvention d’une civilisation. C’est aussi un moment de tensions qui travaillent le pays, entre un Etat central et des féodalités. C’est enfin un temps où la question européenne se pose, sans oublier le rapport entre les religions. La capacité à embrasser le futur, à se projeter, est alors déterminante pour le rebond que prend le pays. C’est ce qui me rend très confiant», détaille-t-il dans le trimestriel. Emmanuel Macron se montre ainsi optimiste dans la capacité du pays à «repartir de l'avant» pour sortir des multiples crises récentes.

Avec les Gilets jaunes, il s’agit d’un retour de la violence dans la société

Citant également les Gilets jaunes, Emmanuel Macron voit dans les Français «un peuple très résistant», «extraordinairement tenace», mais qui «s'embrase sur le coup de colères». A propos de ce mouvement de contestation, le chef de l'Etat poursuit de manière très critique : «On a redécouvert la violence. La violence politique et militante existait depuis plusieurs années dans notre démocratie, avec le retour des black blocks dans les manifestations européennes puis en France en 2016. Avec les Gilets jaunes, il s’agit d’un retour de la violence dans la société. On retrouve un des fondamentaux de notre vieux pays, fait de jacqueries.»

Pour Macron, en Seine-Saint-Denis «il ne manque que la mer pour faire la Californie»

Au cours de cet entretien, il défend par ailleurs la réforme controversée de l'ENA, qu'une ordonnance doit entériner ce 26 mai, car «la maladie de la France n’est pas la bureaucratie ni le centralisme» mais «les corporatismes» défendant «des intérêts qui protègent l’entre-soi». Il est nécessaire, selon lui, de «sélectionner différemment» pour la haute fonction publique car «quand on vient d'un milieu populaire, et plus encore quand on est issu de l'immigration, il faut cinq à six générations pour accéder ne serait-ce qu'au milieu de l’échelle sociale», un temps de latence «énorme et, pour tout dire, décourageant», ajoute-t-il. 

Emmanuel Macron a aussi souligné l'urgence de répondre au sentiment de «décrochage» d'une partie de la population qui exprime «la même inquiétude de la désindustrialisation, d'un sentiment d’injustice, d’une impression de trahison démocratique». En outre, le président a évoqué le département de Seine-Saint-Denis, où «il ne manque que la mer pour faire la Californie» et qui représente «un espace unique de transformation économique et sociale».

Enfin, le président français a été interrogé au sujet des «immigration africaines» de l'Hexagone. Pour lui, la France est «une volonté de chaque jour» et non pas «une identité figée». «Il faut dire à ces hommes et à ces femmes : vous qui êtes là par les cruautés de l’histoire, par la volonté de vos grands-parents, de vos parents ou par la vôtre propre, vous êtes une chance pour notre pays», a conclu le chef de l'Etat.