France

Assistants d'eurodéputés FN : un rapport accable le RN, celui-ci dénonce une manœuvre politique

D'après un rapport de police cité par le JDD, le RN aurait bénéficié indûment de 6,8 millions d'euros versés par l’UE à ses collaborateurs. Marine Le Pen est désignée comme l'instigatrice de ce système. Le parti dénonce une manœuvre politique.

D'après un rapport daté du 15 février et réalisé par les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), le Rassemblement national (RN) – anciennement Front national (FN) – aurait bénéficié indûment de 6,8 millions d'euros versés par l’Union européenne à des collaborateurs FN dissimulés sous le statut d'«assistant parlementaire».

Selon Le Journal du dimanche (JDD) et France Télévisions, qui déclarent avoir consulté ce document concluant cinq années d'enquête et adressé à la juge d'instruction parisienne Claire Thépaut, le parti aurait mis en place un système organisé frauduleux de détournement des fonds européens à son profit «par le biais d'emplois fictifs d'assistants parlementaires», affirmant que de nombreuses dépositions évoquées dans ce rapport concourent à présenter Marine Le Pen comme la responsable directe de ce «système frauduleux».

Le parti soupçonné d'avoir volontairement additionné les contrats de travail

L'hebdomadaire assure que «si elle remonte à l'époque où le FN était encore dirigé par son père, l'organisation mise au jour par l'enquête semble avoir pris toute son ampleur sous la présidence de Marine Le Pen, au lendemain des élections européennes de 2014». 

Selon le témoignage d'une ancienne eurodéputée du FN, Sophie Montel, une réunion aurait notamment été convoquée le 4 juin 2014 dans la capitale belge où Marine Le Pen aurait annoncé aux nouveaux députés européens qu'ils ne seraient pas tenus de reverser une partie de leur indemnité parlementaire au parti mais qu'ils ne pourraient employer qu'un seul assistant pour les épauler dans leurs tâches, les autres collaborateurs étant choisis par elle et affectés au parti.

Le parti est également soupçonné d'avoir volontairement additionné les contrats de travail, le JDD citant notamment le cas de Thierry Légier, garde du corps de Jean-Marie Le Pen de 1992 à 2011 avant de devenir le garde du corps de sa fille dès son accession à la tête du FN. Le journal assure que «Thierry Légier a bénéficié de plusieurs contrats d'assistant parlementaire des députés Fernand Le Rachinel, Carl Lang, Marine Le Pen et Jean-Marie Le Pen [...] Pourtant, aucun élément ne permettait d'établir qu'il avait eu d'autres fonctions que celles de garde du corps […] D'ailleurs, ni dans sa biographie ni dans ses CV il ne faisait référence à ses emplois en tant qu'assistant parlementaire.»

Marine Le Pen réfute toutes les accusations et qualifie le JDD d'«organe officiel du pouvoir macroniste»

A la suite de cette enquête ouverte en mars 2015 et confiée fin 2016 à des juges d'instruction financiers du tribunal de Paris, environ 25 élus et assistants du RN, dont de hauts responsables du parti, ont été mis en examen, la plupart pour «détournements de fonds publics». Le RN est également mis en examen dans cette procédure ouverte pour «escroquerie en bande organisée» et «travail dissimulé», mais il conteste formellement tout détournement d'argent public.

Devant la juge le 5 septembre 2018, Marie Le Pen avait nié toute fraude en revendiquant même l'inexactitude de l'organigramme de son parti par la nécessité de gérer «la guerre des ego», précisant qu'«on met des gens avec des titres ronflants mais qui ne correspondent à aucune réalité.» Interrogée au sujet d'un des assistants désignés par l'enquête, elle aurait répondu : «Où est-il inscrit qu'un assistant européen doit justifier huit heures de travail par jour à son député européen ? Dans ce cas-là, vous allez avoir une quantité d'emplois fictifs. J'ai des tas de gens qui me font des notes. Y compris des hauts fonctionnaires au ministère de la Défense et ce n'est pas pour ça qu'ils ont un emploi fictif.»

Evoquant la une dont elle a fait l'objet ce 16 mai, la présidente du RN a qualifié sur Twitter le JDD d'«organe officiel du pouvoir macroniste» qui «ressort la même sempiternelle affaire des assistants parlementaires, comme à chaque élection».

L'attachée de presse de la présidente du RN, Caroline Parmentier, dénonce elle une manœuvre politique : «Ils rongent le même vieil os depuis six ans et le ficellent comme un scoop à un mois des élections régionales et départementales.»

Cité par le JDD, l'avocat de Marine Le Pen, Rodolphe Bosselut, a déclaré que sa cliente «n'a jamais mis en place de système frauduleux», soulignant que «tous les assistants parlementaires au Parlement européen cités dans l'instruction ont travaillé à un ­moment ou un autre». L'avocat regrette que «lorsque nous apportons des preuves du travail effectué, on nous dit qu'elles ne sont pas les bonnes [...] comme si les sujets européens et nationaux n'étaient pas imbriqués». L'homme de droit estime que «ce n'est pas à la justice de décider comment des parlementaires doivent organiser leur travail», alors qu'une procédure en appel est engagée devant la cour de Paris.