Plusieurs «rassemblements de la colère» ont été organisés, notamment au Trocadéro à Paris et dans d'autres villes de France le 25 avril, à l'appel de collectifs citoyens et de représentants de la communauté juive pour contester l'absence de procès après le meurtre de Sarah Halimi survenu en 2017 à Paris.
Outre la capitale, des appels à manifester ont été lancés à Bordeaux, Marseille, Lyon, Strasbourg et Nice. A l'étranger, des appels aux rassemblements devant des ambassades et consulats de France ont également été relayés sur les réseaux sociaux.
Des personnalités dont Yvan Attal, Pascal Légitimus, Alexandre Arcady et Cyril Hanouna ont témoigné de leur «solidarité» envers la famille Halimi et appelant à «changer la loi», via des messages diffusés sur un écran géant.
Présent à la manifestation parisienne, l'ancien ministre de l'Intérieur et président du groupe LREM à l'Assemblée nationale Christophe Castaner a pris la parole devant l'assistance : «J'étais cet après-midi sur le Parvis des Droits de l'Homme à Paris, parmi des milliers de Français, pour redire notre détermination à lutter contre toutes les formes d'antisémitisme [...] On ne fait pas la loi sous le coup de l'émotion. Mais si le terrible meurtre de Sarah Halimi montre une lacune dans notre droit, nous devons le faire évoluer», a-t-il écrit dans une série de tweets.
Une rue Sarah Halimi à Paris
Egalement présente, la maire de Paris Anne Hidalgo a annoncé qu'une rue porterait le nom de la victime : «Une rue portera le nom de Sarah Halimi à Paris, c'est un projet sur lequel nous allons travailler évidemment avec la famille, mais le nom de Sarah figurera dans nos rues parisiennes», a-t-elle déclaré sur BFMTV.
«Ca sera aussi une façon de lui rendre justice, pas de lui rendre la vie, mais de lui rendre justice», a-t-elle ajouté. La maire de Paris a par ailleurs plaidé pour une nouvelle loi sur l'irresponsabilité pénale : «Je pense qu'il faut une nouvelle loi et que cette loi s'appelle Sarah Halimi», a-t-elle dit.
Entre 1 500 et 2 000 personnes, selon la préfecture de police, ont défilé à Marseille vers le Palais de Justice. En tête de cortège étaient présents les élus Les Républicains Martine Vassal, qui dirige le Département et Renaud Muselier, président de la Région. A Strasbourg, environ 600 manifestants, selon la préfecture, se sont rassemblés sur le parvis de la grande Synagogue de la Paix.
Irresponsabilité pénale contestée
Ces manifestants contestent la confirmation le 14 avril, par la Cour de cassation, de l'irresponsabilité pénale du meurtrier, hospitalisé en psychiatrie depuis l'assassinat de la sexagénaire juive. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a entériné le caractère antisémite du crime, mais confirmé l'impossibilité de juger le meurtrier, compte tenu de l'abolition de son discernement lors des faits.
Selon les sept experts psychiatriques qui l'ont examiné, Kobili Traoré, gros consommateur de cannabis, était en proie à une «bouffée délirante» lorsqu'il a tué sa voisine de 65 ans, Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi. La cour d'appel de Paris avait conclu à l'existence d'un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, ce que la Cour de cassation a jugé conforme au droit.
«Harcelée, assassinée, défenestrée [...] Sans justice pas de République», pouvait-on notamment lire sur un visuel épinglé sur le compte Twitter du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) relayant l'appel à manifester.
Du côté de la justice, les accusations de laxisme passent mal : «Evidemment que la justice ne délivre aucun permis de tuer !», a déclaré le procureur général près la Cour de cassation François Molins dans une interview au journalLe Monde le 24 avril. Pour le magistrat, cette décision a été rendue «conformément à la règle de droit». «Aujourd’hui, l’article 122-1 du Code pénal pose un principe clair : toute personne dont le discernement est aboli au moment de la commission des faits est irresponsable pénalement, quelle que soit la raison de l’abolition du discernement», a-t-il notamment détaillé.
«L’émotion suscitée par cette décision révèle sans doute que la loi n’est pas adaptée et qu’il est des situations qui n’ont pas été prises en compte par le législateur», a-t-il cependant estimé dans le même entretien, tout en appelant les autorités à ne pas «légiférer dans l’urgence et sous le coup de l’émotion».
Emmanuel Macron avait lui-même réagi à la décision de justice, estimant qu'il fallait un «changement de la loi» sur la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiatriques sur fond de consommation de drogues. Le Sénat, dominé par la droite, va lui aussi examiner deux propositions de loi en mai pour qu'il «ne soit plus possible, pour les juges, de décider que le discernement n'existe pas lorsque le trouble résulte de l'absorption volontaire d'alcool ou de substance stupéfiante».
Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a lui fait savoir le 25 avril qu'un projet de loi serait présentée «fin mai en conseil des ministres «pour combler le vide juridique apparu dans l’affaire Sarah Halimi».
Du côté des proches de Sarah Halimi, pas question de s'en tenir à cette décision de justice : la sœur de la victime a ainsi fait part de son intention de porter plainte en Israël par le biais de ses avocats Francis Szpiner et Gilles-William Goldnadel. La loi pénale d'Israël peut en effet s'appliquer à des crimes antisémites commis à l'étranger et dénoncés par un citoyen israélien, ce qui est le cas de leur cliente.