France

Covid-19 : le taux d'occupation des lits de réanimation mis en question

L’indicateur officiel du taux d’occupation des lits de réanimation dépasse 100% au niveau national. Or, ce chiffre mélange différents types de «soins critiques». Et il est calculé à partir du nombre de lits disponibles avant la crise sanitaire.

Le 1er avril, le Premier ministre Jean Castex annoncé à la tribune de l'Assemblée nationale qu' «avec plus de 5 000 malades de la Covid hospitalisés en réanimation, le pic de la deuxième vague [était] déjà dépassé » et, le 6 avril, le site officiel du gouvernement affichait un taux d'occupation des lits en réanimation de plus de 107%.

Des chiffres qui peuvent paraître surprenant et inquiétant au premier abord, mais qui relèvent en partie d'abus de langage et d'un mode de calcul qui se base sur le nombre de lits disponibles avant l'épidémie de Covid-19.

Le 4 avril, 5 341 patients «covidés»  étaient hospitalisés en «soins critiques» en France. Or, comme l'explique Le Parisien, «soins critiques» n'est pas forcément le synonyme de réanimation et certains de ces patients sont donc en «soins intensifs» ou en «surveillance continue» – des niveaux de soins différents qui dépendent de la gravité de l’état du malade. «Tous ont besoin de recevoir de l’oxygène, mais un service de réanimation permet de mettre beaucoup plus de moyens et, si nécessaire, d’intuber les malades», explique ainsi au quotidien francilien Stéphane Gaudry, professeur de médecine intensive réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

On disait "hospitalisation réanimatoire", mais c’était un peu par abus de langage

Une éclaircissement qu'a d'ailleurs réalisé le site gouvernemental Santé publique France, qui s'est exprimé en ces termes rapportés par Le Parisien : «On disait "hospitalisation réanimatoire", mais c’était un peu par abus de langage. Cela a toujours été les "soins critiques", on peut donc comparer ce qu’on donnait avant avec l’étiquette réanimation à ce qu’on donne aujourd’hui avec l’étiquette soins critiques.»  

Le nombre précis de patients «en réanimation» – qui n’est pas mise à jour quotidiennement – était  au 30 mars de 3 827 sur 5 090 malades pris en charge dans ces services de «soins critiques». En Ile-de-France par exemple, 1 087 malades étaient en date du 2 avril pris en charge en réanimation, et 526 en services de soins intensifs ou de surveillance continue.

Un «taux d’occupation Covid en réanimation» basé sur le nombre de lits disponibles en 2019

Ce chiffre fait partie des indicateurs utilisés pour mesurer l'évolution de l'épidémie de Covid-19, et justifier le cas échéant – avec d'autres indicateurs tels que le nombre de nouvelles contaminations – la mise en œuvre de mesures plus restrictives contre le virus. Or, si ce chiffre était calculé en rapportant le nombre de patients atteints du Covid-19 hospitalisés en réanimation au nombre de lits disponibles en réanimation, il avoisinerait 50% sur l'ensemble du territoire national – avec des disparités régionales (58,4% en Ile-de-France contre 32,6% en Corse par exemple, selon un graphique élaboré par Le Parisien).

Le taux d'occupation de 107% évoqué par le gouvernement – taux qui varie lui aussi fortement entre les régions et atteint près de 150% dans les Hauts-de-France – se base en réalité sur le nombre de patients en «soins critiques» rapporté à la capacité en lits de réanimation stricto sensu disponible avant la crise, c'est-à-dire en 2019. Avec plus 5 300 patients atteints du Covid-19 en «soins critiques» en France et 5 080 lits de réanimation en 2019, on obtient donc le taux d’occupation de plus de 100 % affiché sur les sites officiels. 

Or, d’après les chiffres transmis au Parisien par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), 7 906 lits de réanimation étaient «armés» au 30 mars – soit  près de 2 500 de plus qu’en temps normal. Ce nombre de lits de «réa» avait même largement dépassé 10 000 lors de la première vague, au printemps 2020. Au niveau national, un peu plus de 7 000 de ces 7906 lits sont occupés, une grosse moitié par des patients atteints du Covid. 

Avant la crise sanitaire liée au Covid-19, «le taux moyen d’occupation d’un service de réanimation était déjà en moyenne de 90 %», précise par ailleurs la DGOS.