La gauche est-elle plus que jamais désunie ? Le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, subit ces derniers temps une salve de piques venant de sa gauche, La France insoumise. Parmi les premiers artilleurs : Jean-Luc Mélenchon.
Tout semble partir de l'opération menée par les royalistes et nationalistes de l'Action française au sein du conseil régional d'Occitanie, le 25 mars, avec une bannière déclarant : «Islamo-gauchistes, traîtres à la France». La présidente socialiste du conseil régional Carole Delga avait réagi le lendemain dans un tweet, profitant de l'occasion pour également condamner le syndicat étudiant Unef, pris dans la polémique pour avoir confirmé l'existence en son sein de réunions non-mixtes : «Il faut cesser de monter les gens les uns contre les autres, au risque de générer une société d’ennemis. Racisme, antisémitisme et discriminations ne reculeront qu’en rassemblant d’abord les Français sur les droits et valeurs de la République. L’Unef gagnerait à suivre ce chemin.»
Alors que Jean-Luc Mélenchon et une partie de LFI ont défendu l'Unef, le tweet de Carole Delga a été un élément déclencheur de la passe d'armes qui suivra. Pas le seul. Le 25 mars, le chef de file des socialistes, Olivier Faure a aussi donné une interview pour Le Figaro dans laquelle il dénonçait les pratiques du syndicat étudiant, autrefois proche du PS. «Légitimer le concept de race est une aberration», déclare-t-il par exemple, ajoutant que «certains Insoumis ont théorisé le fait que la nouvelle lutte antiraciste passait par ces canaux-là [...] par clientélisme ou par conviction».
L'eurodéputé Manuel Bompard, a semble-t-il lancé la première salve sur Twitter, le 25 mars, débutant son message par le fait que l'Action Française était, selon lui, «le vrai visage de l'extrême-droite». «Honte à ceux qui s'en prennent à la démocratie, à Macron et Darmanin qui les arment idéologiquement et à ceux qui, à gauche ne disent rien par lâcheté ou tactique politicienne», poursuit-il.
Le 26 mars, il tape plus fort : «Le lendemain de l'attaque du Conseil Régional d'Occitanie aux cris de "Morts aux islamogauchistes", sa présidente Carole Delga s'engouffre dans la cabale organisée par l'extrême-droite contre l'Unef. Quel sens du timing !» Un tweet qui sera relayé par plusieurs cadres LFI, à l'instar d'Eric Coquerel.
Le 25 mars, Jean-Luc Mélenchon a lui aussi adressé une première diatribe contre le PS, notamment Olivier Faure après l'intrusion de l'Action française. Pour l'élu des Bouches-du-Rhône, les responsables de cette action seraient tant le gouvernement que le PS : «Signé Macron, Darmanin, Schiappa, Olivier Faure et autres chasseurs d'islamogauchistes et "d'ambigus".»
Et Jean-Luc Mélenchon de s'en prendre ensuite de nouveau à Olivier Faure, en prenant appui sur l'interview parue dans Le Figaro : «Olivier Faure continue les calomnies qui servent le RN et Macron. C'est ça la "gauche "?»
Un tweet repris par la députée LFI Danièle Obono qui voit dans la gauche d'Olivier Faure, «une clique [qui n'] a jamais été [à gauche]». «Ce sont des opportunistes sans boussole ni colonne vertébrale qui pavent la voie à l'extrême-droite. Mais on ne les laissera pas faire», prévient-elle.
Puis, le leader insoumis s'est attaqué à Carole Delga, pour sa dénonciation de l'Unef : «Delga incapable de tenir tête à l'Action française reprend ses slogans. Lamentable. Elle n'est pas une digue mais un passe-plat !»
Et, peu après, Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard de déterrer une ancienne interview d'Olivier Faure, datant du 25 octobre 2020 pour le quotidien La Montagne. Dans celle-ci, le socialiste se défendait de tout complicité ou duplicité avec l'islamo-gauchisme : «Ce procès ne concerne pas les socialistes. S’il y a bien un parti qui a tenu le cap, c’est le Parti socialiste. Pour mémoire, nous avons refusé de nous joindre à la manifestation du 10 novembre dernier contre "l’islamophobie", à l’appel du CCIF et d’autres personnalités qui expriment ouvertement leur défiance vis-à-vis des lois laïques. Depuis que je suis Premier secrétaire, je mets au défi quiconque de trouver la moindre indulgence dans les positions adoptées face à ceux que je considère comme les ennemis de la République. A gauche, il a pu y avoir des tolérances électorales coupables. Jean-Luc Mélenchon a maintenu des ambiguïtés et je lui ai demandé à plusieurs reprises de les lever, ce qui n’a pas toujours contribué à la sérénité des relations. Mais j’assume. La politique suppose aussi de la clarté.»
Jean-Luc Mélenchon a pour sa part repris cette interview pour affirmer que «Monsieur Olivier Faure [était le] relais des inquisitions de l’extrême droite». «Lamentable diviseur face au pire adversaire», ajoute-t-il dans un tweet diffusé dans la nuit du 26 au 27 mars.
Olivier Faure a simplement placé un commentaire laconique, en trouvant que cela «se pass[ait] de commentaire...». Carole Delga, quant à elle, n'a semble-t-il pas réagi aux propos des Insoumis la ciblant.
Proches du PS ou en dehors du PS, certains ont manifesté leur soutien aux socialistes ou plutôt dénoncé les tweets des Insoumis, telle la députée du Parti radical de gauche (PRG) Sylvia Pinel. Elle s'est offusquée des propos de Jean-Luc Mélenchon à l'égard de Carole Delga : «Je suis scandalisée par les propos de Jean-Luc Melenchon. Qui est le passe-plat ? Qui est lamentable ? Soutien à Carole Delga.»
Le maire PRG d'Aiguefonde (Tarn) et conseiller régional en Occitanie, Vincent Garel, a lui aussi été choqué par la virulence du propos de Jean-Luc Mélenchon : «Melenchon de pire en pire..... avec des défenseurs pareils la République est définitivement en danger !»
Nombreux se sont en outre moqués du lien fait par Jean-Luc Mélenchon entre Olivier Faure et l'extrême droite, comme le philosophe Raphaël Enthoven ou le critique littéraire Eric Naulleau. Par exemple, le journaliste de Décideurs MagazineLucas Jakubowicz ironise tout d'abord : «Tu penses pas comme moi, t'es facho épisode 765.» Puis, il décèle la réelle fracture qui semble se dessiner à ses yeux : «Pour Jean-Luc Mélenchon, le Parti socialiste et Olivier Faure sont d'extrême droite. La raison ? Leur positionnement en faveur de la laïcité et de l'universalisme. Il y'a vraiment deux gauches irréconciliables...»
Récemment, les Insoumis s'étaient similairement mobilisés sur les réseaux sociaux pour cibler les positions d'une autre personnalité de gauche, Arnaud Montebourg, à qui ils reprochaient un tweet en faveur de l'énergie nucléaire.