Aucun mea culpa pour ne pas avoir reconfiné fin janvier, mais Emmanuel Macron a évoqué le 25 mars de futures «nouvelles mesures à prendre dans les prochaines semaines», face à la troisième vague qui prend de l'ampleur dans les hôpitaux. Une situation qui préoccupe le gouvernement et certains élus locaux, et à laquelle Emmanuel Macron espère mettre fin grâce à une campagne de vaccination qui a pris du retard.
«Ces semaines qui viennent seront difficiles, nous prendrons toutes les mesures utiles en temps et en heure et il n'y a à mes yeux aucun tabou», a-t-il averti, à l'issue d'un Conseil européen en visioconférence.
Macron se dit «humble» face à l'épidémie mais ne veut faire aucun mea culpa
Face aux critiques qui s'élèvent, Emmanuel Macron a défendu sa stratégie – tant sa décision fin janvier de ne pas reconfiner que le confinement «hybride» appliqué actuellement. A un interlocuteur demandant au chef de l'Etat si il reconnaît une «forme d'échec» de sa politique sanitaire au niveau national, et s'il n'y a pas une «forme d'entêtement» à ne pas prendre des mesures plus dures, celui-ci a répondu en ces termes, après avoir rappelé qu'il faut «toujours être très humble» face à une épidémie : «Nous avons eu raison de ne pas reconfiner la France [...] parce qu'il n'y a pas eu l'explosion qui était prévue par tous les modèles [...] Je n'ai aucun mea culpa à faire, ni aucun remords, ni aucun constat d'échec. Nous avons eu raison de le faire». Le chef de l'Etat a également assuré que les mesures de freinage actuelles sont «très fortes».
Quant à l'échec de l'Europe dans la «course au vaccin» qu'Emmanuel Macron aurait esquissée en évoquant le manque de réactivité et d'ambition de l'Union européenne en la matière, la réponse du président a été comparable : «Je n'ai pas reconnu une forme d'échec. Je sais bien bien que nous avons une tendance à adorer les mea culpa. Non, j'essaie d'être lucide [...] Je ne reconnais pas d'échec».
Une réthorique à rebours de celle de la chancelière allemande Angela Merkel, qui a déclaré le 24 mars qu'«une erreur doit être appelée une erreur et, plus important encore, elle doit être corrigée et si possible à temps», en annonçant l'abandon des mesures restrictives qui devaient être mises en place à Pâques outre-Rhin.
Pour le gouvernement, la situation est «extrêmement préoccupante»
L'épidémie touche de nouveau jusqu'à l'exécutif : la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, 74 ans, hospitalisée et victime de difficultés respiratoires, a dû être placée sous «oxygénothérapie renforcée». Sa collègue la ministre du Travail Elisabeth Borne a quant à elle pu sortir de l'hôpital cette semaine.
Le 25 mars, en visite à hôpital de Melun, Jean Castex a jugé la situation «extrêmement préoccupante» en raison du variant britannique, notamment en Ile-de-France, où le taux d'incidence frôle les 600 pour 100 000 et où 1 410 malades sont en réanimation, soit 300 de plus que lors de la deuxième vague.
Signe d'une situation tendue, Jean Castex a annulé un déplacement concernant les internats d'excellence prévu dans la matinée de ce 26 mars dans la Manche. Il sera remplacé par une nouvelle réunion avec les préfets et directeurs généraux des ARS des 19 départements concernés par les nouvelles restrictions.
Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé que 80% de déprogrammations d'opérations seraient «sans doute» nécessaires dans les hôpitaux franciliens afin de porter les capacités en réanimation à 2 250 lits. Ces services accueillent des malades graves atteint du Covid-19 de plus en plus jeunes.
Tout en affirmant que la «tendance n'est pas bonne», le ministre de la Santé a fait valoir qu'il était «trop tôt» pour évaluer l'efficacité des mesures en vigueur depuis le week-end dernier. En attendant, il a seulement annoncé l'extension des mesures de «freinage renforcées» à trois départements : le Rhône, l'Aube et la Nièvre.
Des élus locaux demandent des mesures plus strictes
Le gouvernement veut tenir sur sa stratégie malgré les appels de nombreux médecins et élus à serrer davantage la vis, voire à fermer les écoles.
«Je trouve cela tout à fait normal mais insuffisant. Il faut fermer les écoles le plus rapidement possible et pour cinq semaines à mon avis afin de couper le développement du virus», a ainsi réagi le président PS du département de la Nièvre, Alain Lassus. Le maire de Troyes et président de l'Association des maires de France François Baroin a lui aussi estimé qu'il fallait «poser la question des écoles» et s'est même dit partisan pour sa ville de Troyes d'un «confinement strict».
La présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a quant à elle proposé d'avancer les vacances de printemps pour fermer les classes dès le 2 avril.
La vaccination, une «perspective raisonnable d'espoir»
Poussé par le variant anglais – jugé plus contagieux et plus virulent – le virus a progressé quasiment partout en France en mars, un scénario prévu par les épidémiologistes dès janvier.
Le nombre de malades en réanimation a dépassé le 25 mars 4 700 et se rapproche du pic de la deuxième vague, à l'automne dernier (4 900 patients). La barre des 200 000 nouveaux cas de Covid a été dépassée la semaine dernière, une première depuis début novembre.
Ce niveau met la France dans une situation critique. Des députés français et allemand ont demandé le 25 mars une réunion d'urgence avant un classement attendu de la France en zone à haut risque par l'Allemagne, qui impliquerait un durcissement des restrictions à la frontière entre les deux pays.
La vaccination – qui a déjà permis de faire fortement baisser la mortalité en Ehpad – progresse (7,1 millions de premières doses et 2,6 millions de deuxièmes doses), mais trop lentement pour protéger toute la population. Depuis le début de la semaine, plus d'un millier de personnes touchées par le Covid-19 sont mortes à l'hôpital, soit plus de 93 000 depuis le début de l'épidémie. «Je veux vous donner une perspective raisonnable d'espoir», a fait valoir le chef de l'Etat, pour qui grâce à la vaccination «on passera un premier cap mi-avril».
Pour y parvenir, les 27 pays de l'UE se sont mis d'accord le 25 mars pour empêcher les exportations de vaccins d'AstraZeneca, tant que le laboratoire n'aura pas rattrapé ses retards de livraison aux Européens. Retards qui ralentissent la vaccination de tout le continent. «C'est la fin de la naïveté», a affirmé Emmanuel Macron.