Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est revenu ce 24 mars au micro de BFMTV sur la polémique déclenchée par la subvention de plus de 2,5 millions d'euros votée le 22 mars par la municipalité EELV de Strasbourg pour la construction d'une mosquée dans le quartier de La Meinau. Le locataire de la place Beauvau estime que la mairie a «financé une ingérence étrangère sur notre sol» : la mosquée Eyyub Sultan sera en effet gérée par la Confédération islamique Millî Görüs (CIMG), association réputée proche des milieux islamistes, notamment en Turquie, précise l'AFP.
Interrogé par le journaliste Jean-Jacques Bourdin, Gérald Darmanin a déclaré avoir dit à la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian que Paris ne trouvait «pas cela amical avec les intérêts français, pour ne pas dire plus». Selon le ministre, il y a à Strasbourg «des tentatives d'ingérence extrêmement fortes dans notre pays de la part, notamment de la Turquie». Au sujet de Millî Görüs, il a souligné le fait qu'en janvier «cette fédération pro-turque» n'avait pas voulu signer la Charte des principes pour l'islam de France, texte voulu par le président Emmanuel Macron pour lutter contre le séparatisme.
Toujours selon Gérald Darmanin, «la collectivité locale est libre de le faire [mais] elle n'aurait pas dû [...] financer une ingérence étrangère sur notre sol». Le 23 mars, après une première réaction par tweet à cette polémique, le ministre de l'Intérieur avait haussé le ton en annonçant avoir demandé à la préfète du Bas-Rhin Josiane Chevalier de saisir la justice administrative à propos de cette délibération.
Le même jour, la maire EELV de Strasbourg, élue en juin 2020, s'est défendue lors d'un point presse, arguant que le projet de mosquée était «ancien», ne datant pas de sa mandature mais «d'une dizaine d'années». Jeanne Barseghian a également insisté sur le fait que le texte adopté le 22 mars (42 voix pour, 7 contre) stipulait que le versement effectif de la subvention, qui fera l'objet d'un second vote, était conditionné à la présentation d'un «plan de financement» clair. Si les garanties ne sont pas apportées, le versement de la subvention ne sera pas voté, a souligné Jean Werlen, élu strasbourgeois chargé des cultes. «On attend un plan de financement consolidé, notamment par rapport à la demande faite aux autres collectivités, de savoir quelle est la provenance des autres types de financement», ainsi qu'une «réaffirmation des valeurs de la République», a insisté Jeanne Barseghian.
Jean-Luc Mélenchon dénonce le concordat en Alsace-Moselle
Malgré ces explications, outre Gérald Darmanin, plusieurs figures de la classe politique ont réagi à l'adoption controversée de cette subvention. Rattachée à la place Beauvau, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a lancé sur LCI le 24 mars que «ce n'est pas la première fois que des maires EELV sont sur une pente très glissante vis-à-vis de l'islamisme radical». Elle a pris pour autre exemple une subvention de 3 800 euros accordée par la mairie écologiste de Grenoble à une association locale affiliée au CCIF, collectif dissous le 2 décembre en Conseil des ministres après des accusations de «propagande islamiste». Le maire EELV Eric Piolle a depuis demandé le remboursement des subventions en question. Pour Marlène Schiappa, ces différentes polémiques montrent cependant qu'EELV «est un parti qui, sous-couvert de défendre de belles valeurs humanistes, flirte de plus en plus dangereusement avec les thèses de l'islamisme radical».
«L’islamo-gauchisme des Verts démasqué !», s'est également exclamé sur Twitter le député LR Eric Ciotti, estimant que «ceux qui pensaient avoir voté pour la planète ont élu les alliés de l’islamisme et d’Erdogan».
Toujours à droite, le député de l'Essonne et président de Debout la France Nicolas Dupont-Aignan juge aussi que les élus écologistes de Strasbourg sont «main dans la main avec les islamistes».
L'angle d'attaque est en revanche différent de la part de Jean-Luc Mélenchon. Le député et leader de la France insoumise a pointé une exception à la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905 : le régime concordataire en Alsace-Moselle, dont dépend la ville de Strasbourg, qui permet à l'Etat sur ce territoire d'organiser et de financer les cultes catholique, protestant luthérien et réformé, et israélite. L'islam n'est en revanche pas reconnu par le concordat, mais le droit local permet néanmoins la constitution d'association musulmanes. Pour Jean-Luc Mélenchon, en refusant d'abroger cette exception territoriale (due au fait que l'Alsace-Moselle était allemande en 1905), «tels sont pris ceux qui croyaient prendre». «Ils ont refusé d'abolir le concordat en Alsace donc ils doivent payer pour les lieux de culte. Encore une fois : mieux vaudrait écouter LFI à temps», a écrit le chef des Insoumis sur Twitter.