France

Haine en ligne, désinformation : RSF porte plainte contre Facebook en France

RSF a porté plainte contre Facebook le 22 mars pour «pratiques commerciales trompeuses» estimant que la plateforme ne luttait pas assez contre la désinformation et la haine. L'importance du réseau social en matière d'information commence à inquiéter.

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a déposé plainte le 22 mars auprès du procureur de la République de Paris contre le géant américain Facebook pour «pratiques commerciales trompeuses», estimant que «la prolifération massive de haine en ligne et de fausses informations» diffusées sur le réseau social était en contradiction totale avec ses intentions affichées auprès des consommateurs. 

Dans un communiqué rendu public le 23 mars, l'organisation précise qu'elle dispose de nombreux éléments à charge pour justifier sa position, évoquant notamment des constats d’huissier, des témoignages divers et des citations d’anciens salariés de l’entreprise. D'après elle, Facebook laisse se propager la désinformation et la haine (en général et en particulier contre les journalistes) en contradiction totale avec ses conditions générales d’utilisation et ses campagnes publicitaires.

RSF explique vouloir «dénoncer un phénomène généralisé à l’échelle planétaire» et précise qu'elle a volontairement saisi une juridiction française, car le droit de la consommation y est particulièrement adapté. D'un point de vue juridique, la plainte vise formellement les sociétés Facebook France et Facebook Irlande, soulignant qu'au terme des articles L121-2 à L121-5 du code de la consommation, est considérée trompeuse une pratique commerciale qui «repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur», portant notamment sur «les caractéristiques essentielles du bien ou du service» ou sur «la portée des engagements de l'annonceur».

D'après le code de la consommation, un tel délit est passible d'une amende pouvant être portée à 10% du chiffre d'affaires annuel moyen (art. L132-2 du code de la consommation).

Il est «essentiel que des gens aient accès à des informations de référence et que nous supprimions le contenu préjudiciable»

D'après le Journal du Net, Facebook comptait, fin 2020, 2,8 milliards d'utilisateurs actifs chaque mois et 1,85 milliard d'utilisateurs actifs chaque jour dans le monde.

Pour de nombreux internautes à travers le monde, le réseau social est devenu une source d'information comme une autre avec environ 31% des utilisateurs qui utiliseraient ce réseau pour s'informer et consulter des nouvelles locales, relève le rapport sur les informations digitales de 2020 publié par le Reuters Institute. En France, ce chiffre est à mettre en corrélation avec un effondrement de la confiance envers les médias conventionnels, le taux moyen de confiance atteignant seulement 23%, l'un des plus bas d'Europe. 

Conscients de leurs responsabilités, et comme le rapporte l'AFP, depuis plusieurs semaines, des responsables de Facebook ont rappelé publiquement les nombreux efforts déployés par le réseau pour lutter contre la violence en ligne et la désinformation. A l'instar de Guy Rosen, vice-président en charge de l'intégrité des plateformes du groupe, qui a assuré le 22 mars, à quelques jours d'une importante audition parlementaire aux Etats-Unis : «Nous avons toutes les raisons d'être motivés pour tenir la désinformation à distance de nos applis et nous avons pris de nombreuses mesures pour y parvenir, aux dépens de la croissance du nombre d'utilisateurs».

Lors d'une table ronde organisée par le réseau le 17 mars, Anton'Maria Battesti, responsable des affaires publiques de Facebook, avait par ailleurs indiqué qu'il «était essentiel que des gens aient accès à des informations de référence et que nous supprimions le contenu préjudiciable. Il ne s'agit pas seulement d'une responsabilité sociale importante mais aussi d'un impératif commercial».

Vers une régulation des réseaux sociaux à l'échelle mondiale ? 

Pour Facebook, cette plainte de RSF succède à une autre déposée début mars par quatorze militantes féministes. Reprochant à sa filiale, Instagram, de censurer certaines de leurs publications tout en laissant des utilisateurs les harceler en toute impunité, elles avaient décidé d'assigner le réseau social en justice. Et Facebook n'est pas le seul réseau social concerné, à l'image de son concurrent Twitter qui fait également l'objet de plusieurs procédures, dont une initiée par des victimes de terrorisme et des cibles de cyberharcèlement, émanant de quatre associations qui l'accusent de manquer à ses obligations de modération.

Sur le plan politique, de nombreux dirigeants et responsables commencent à s'inquiéter publiquement du poids pris par les médias sociaux et invitent à la mise en place de réglementations internationales. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait prononcé le 24 février devant l'ONU un discours dans lequel il alertait sur la nécessité de mettre en place un cadre mondial pour réguler l'action des réseaux sociaux. Le ministre russe avait notamment condamné les «politiques non transparentes des médias sociaux qui interdisent ou censurent le contenu des utilisateurs, [et] manipulent ouvertement l’opinion publique».