Lundi 1 mars
S'exprimant devant la presse, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a exprimé «son soutien amical» à l'égard de l'ancien chef de l'Etat.
Quelques heures après le verdict du tribunal, l'avocate de Nicolas Sarkozy a annoncé que son client allait interjeter appel.
Si à droite plusieurs personnalités politiques ont jugé avec sévérité la condamnation du chef de l'Etat, le secrétaire national EELV Julien Bayou a rappelé la nécessité de poursuivre la lutte contre la corruption : «On reconnaît une démocratie à sa capacité à juger ses dirigeant-es. Après [Jacques] Chirac, [Nicolas]Sarkozy condamné, et la clique Gueant, Balkany et Cie. La corruption mine notre pacte démocratique et coûte des milliards chaque année.»
L'ex-première dame Carla Bruni a réagi sur Instagram à la condamnation de son mari : «Quel acharnement insensé mon amour Nicolas Sarkozy... le combat continue, la vérité fera jour», a-t-elle écrit en commentaire d'une photo où elle semble enlacer l'ancien président.
La classe politique commence à réagir à la décision du tribunal correctionnel de Paris de condamner Nicolas Sarkozy à une peine de trois ans de prison dont un ferme.
«Une condamnation extrêmement dure dans un dossier particulièrement faible. Petit rappel : il y a un droit à la présomption d'innocence tant que les voies de recours n’ont pas été purgées», a jugé sur Twitter Bruno Retaillau, le président du groupe Les Républicains au Sénat.
Gilbert Collard, a exprimé pour sa part son incompréhension face au verdict : «Dieu sait que je ne suis pas un fan de [Nicolas] Sarkozy, mais cette condamnation est pour moi juridiquement incompréhensible. Attendons la cour d'appel.»
L'ancien président français Nicolas Sarkozy a été condamné ce 1er mars à trois ans de prison dont un ferme pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite «des écoutes», née en 2014 d'interceptions téléphoniques avec son avocat historique Thierry Herzog. Il est ainsi devenu le premier président de la Ve République condamné à du ferme pour corruption.
Il est également le deuxième ex-chef de l'Etat à être sanctionné par la justice, après son ancien mentor Jacques Chirac, condamné en décembre 2011 à deux ans de prison dans le dossier des emplois fictifs de la ville de Paris.
Le tribunal correctionnel a estimé qu'un «pacte de corruption» avait été conclu entre l'ancien président aujourd'hui âgé de 66 ans, Me Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, également condamnés à trois ans de prison dont un ferme. L'avocat historique de l'ex-président a en outre écopé de 5 ans d'interdiction professionnelle.
Nicolas Sarkozy, qui a toujours affirmé n'avoir jamais commis «le moindre acte de corruption», a écouté le prononcé de sa peine debout face au tribunal, semblant impassible. L'ancien président et ses avocats n'ont fait aucune déclaration à la sortie de la salle.
L'ancien président, qui a été «garant de l'indépendance de la justice, s'est servi de son statut d'ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel», a déclaré la présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, Christine Mée, estimant que le «pacte de corruption» était bien constitué.
Nouveau rendez-vous judiciaire pour Sarkozy
Le tribunal est resté en-deçà des réquisitions du parquet national financier (PNF), qui avait demandé les mêmes peines de quatre ans d'emprisonnement dont deux ferme à l'encontre des trois prévenus. Le patron de ce parquet financier, Jean-François Bohnert, était présent en personne pour le jugement.
Cette première condamnation pour Nicolas Sarkozy intervient alors qu'il doit faire face à nouveau à des juges, dès le 17 mars, au procès de l'affaire «Bygmalion», portant sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012.
Retiré de la politique depuis 2016 mais toujours très populaire dans son parti, un an avant le prochain scrutin présidentiel, Nicolas Sarkozy est sous forte pression judiciaire. Il est mis en cause dans plusieurs dossiers, dont celui des soupçons de financement libyen de sa campagne victorieuse de 2007. C'est dans le cadre de cette dernière affaire qu'il avait été placé sur écoute en 2013.
«Paul Bismuth» au bout du fil
Les juges découvrirent alors que Nicolas Sarkozy utilisait une ligne téléphonique secrète, ouverte sous l'alias de «Paul Bismuth», pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog.
Les juges ont estimé que l'ex-président s'était rendu coupable de corruption, en promettant d'appuyer la candidature de Gilbert Azibert pour un poste de prestige à Monaco, en échange d'informations privilégiées, voire d'une influence sur un pourvoi en cassation qu'il a formé.
L'ancien locataire de l'Elysée voulait alors faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels après avoir obtenu un non-lieu dans l'affaire Bettencourt. Gilbert Azibert, avocat général dans une chambre civile, n'intervenait pas directement dans ce dossier mais il a selon le tribunal joué de ses relations.
Lors du procès qui s'est achevé le 10 décembre, la défense s'était insurgée contre un dossier basé sur des «fantasmes» et des «hypothèses» et avait plaidé à l'unisson la relaxe des prévenus.
Elle avait fait valoir qu'in fine, Nicolas Sarkozy n'a pas eu gain de cause devant la haute juridiction et que Gilbert Azibert n'a jamais eu de poste à Monaco. Selon la loi, il n'est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle, pour caractériser les délits de corruption et de trafic d'influence.
Dossier «poubelle» selon la défense
Tout au long du procès, dans une ambiance houleuse, la défense avait pilonné un dossier «poubelle», réclamant l'annulation de la totalité de la procédure, basée selon elle sur des écoutes «illégales» car violant le secret des échanges entre un avocat et son client.
Les avocats des prévenus avaient aussi torpillé une enquête préliminaire parallèle menée par le PNF. Visant à identifier une éventuelle taupe ayant pu informer en 2014 Thierry Herzog que la ligne Bismuth était «branchée», elle a conduit à faire éplucher leurs factures téléphoniques détaillées («fadettes»).
Elle a été classée sans suite près de six ans après son ouverture. Trois magistrats du parquet financier, notamment son ancienne cheffe Eliane Houlette, sont visés depuis septembre par une enquête administrative, dont les conclusions sont imminentes.
Dans ce contexte tendu, Jean-François Bohnert était venu en personne le jour du réquisitoire pour défendre l'institution tout juste créée quand l'affaire des «écoutes» a éclaté, et assurer: «Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République».