France

Affaire des écoutes : quatre ans de prison dont deux avec sursis requis contre Nicolas Sarkozy

Le parquet national financier a requis ce 8 décembre quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l'encontre de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, jugé pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des «écoutes».

Ce sont donc quatre ans de prison dont deux avec sursis qui ont été requis par le parquet national financier contre l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, dans le procès pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire dite des «écoutes».

L'accusation a demandé les mêmes peines pour l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, ainsi que pour Thierry Herzog, avocat historique de l'ancien chef d'Etat, demandant pour ce dernier qu'elle soit assortie de cinq ans d'interdiction professionnelle, précise l'AFP.

C'est la première fois qu'une peine de prison est requise contre un ancien président sous la Ve République. Dans l'affaire des emplois fictifs, le parquet avait demandé à l'époque la relaxe pour Jacques Chirac, qui avait été finalement condamné.

«Les faits ne se seraient pas produits si un ancien président, avocat par ailleurs, avait gardé présent à l'esprit la grandeur, la responsabilité, et les devoirs de la charge qui fut la sienne», a lancé le procureur, soulignant qu'il avait été en tant que chef de l'Etat «le gardien de l'indépendance de l'autorité judiciaire».

«La République n'oublie pas ses présidents, ne serait-ce que parce qu'ils font l'histoire. A l'inverse, on ne peut pas admettre d'un ancien président qu'il oublie la République et ce qu'elle porte depuis plusieurs décennies : un Etat de droit», a poursuivi M. Blachon.

Dénonçant les «effets dévastateurs de cette affaire qui vient cogner les valeurs de la République», le magistrat financier a estimé qu'elle avait «abîmé» l'institution judiciaire, la profession d'avocat et l'image présidentielle.

«Ce procès [...] n'est pas une vengeance institutionnelle»

Après plusieurs jours de débats tendus, le chef du parquet national financier Jean-François Bohnert a tenu des propos introductifs aux réquisitions.

«Ce procès comme tout procès n'est pas davantage une vengeance institutionnelle, ni celle de la magistrature, ni celle et encore moins du PNF», a déclaré Jean-François Bohnert. «Personne ici ne cherche à se venger d'un ancien président de la République». «Comme toute personne dans notre pays, un ancien chef de Etat a des droits qu'il convient de respecter mais il a aussi (...) l'impérieux devoir de respecter lui-même le droit car c'est bien cela l'Etat de droit», a-t-il insisté.

Le magistrat a justifié sa présence par «l'importance de l'affaire», exprimant son «entier soutien» à ses deux collègues à l'audience, «surtout après les débats agités qu'ils ont eu à affronter».

L'ancien locataire de l'Elysée est soupçonné d'avoir conclu un «pacte de corruption» en 2014, en obtenant des informations protégées par le secret, via son avocat Thierry Herzog, auprès du haut magistrat Gilbert Azibert, sur un pourvoi à la Cour de cassation. Ce dernier est aussi soupçonné d'avoir tenté d'influer sur la procédure, en échange de la promesse d'un «coup de pouce» pour un poste à Monaco qu'il n'a finalement jamais obtenu.

«Paul Bismuth» au cœur du procès

Au cœur des charges : une série de conversations enregistrées sur la ligne «Paul Bismuth», ouverte par Me Herzog pour échanger avec Nicolas Sarkozy, en toute confidentialité croyaient-ils. Cette ligne avait été découverte début 2014 par les juges qui instruisaient l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Les deux hommes y discutent notamment du pourvoi en cassation alors engagé par l'ancien président, qui souhaitait voir la haute juridiction judiciaire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans l'affaire Bettencourt.

Ce «pacte de corruption» n'a jamais existé, ont balayé les prévenus au cours du procès, comme le mentionne l'AFP. Ces conversations sont des «bavardages» entre deux «frères», a certifié Nicolas Sarkozy, affirmant que son avocat avait voulu le «rassurer» en rapportant de simples «impressions» sur cette procédure. Et de clamer : jamais il n'a eu «aucune information privilégiée».

«Oui», comme «cent fois dans sa vie», il a envisagé de rendre un «service» à Thierry Herzog qui lui parlait de son «ami» Gilbert Azibert, mais il ne s'agissait pas d'une «contrepartie». Et au final, a souligné Nicolas Sarkozy, la Cour de cassation ne lui a pas donné gain de cause et Gilbert Azibert n'a pas eu de poste à Monaco. Selon la loi, il n'est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle, pour caractériser une corruption et un trafic d'influence.

Depuis le début du procès, les procureurs Jean-Luc Blachon et Céline Guillet sont restés en retrait, indique l'AFP, semblant embarrassés par une enquête préliminaire menée parallèlement à ce dossier.

Ouverte début 2014, elle visait à débusquer la «taupe» qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Me Herzog que leur ligne «Bismuth» était «branchée», en sus des lignes officielles de l'ancien président. Cette enquête a finalement été classée sans suite fin 2019.

Une enquête «dissimulée», pilonnée par la défense. «Le mensonge, il n'est pas de mon côté, il est du côté de l'accusation», a renchéri Nicolas Sarkozy. Les plaidoiries de la défense sont prévues lors des deux prochains jours. L'ancien chef de l'Etat saura s'il a convaincu le tribunal le 10 décembre prochain.