France

Adama Traoré : «un coup de chaleur» aggravé par l'interpellation serait à l'origine du décès

Une nouvelle expertise menée par des médecins belges attribue la mort d'Adama Traoré à un «coup de chaleur» aggravé par les manœuvres d'immobilisation des gendarmes. Le décès serait dû dans une «plus faible mesure» à ses antécédents médicaux.

Selon les conclusions d'une nouvelle expertise judiciaire consultée le 8 février par l'AFP, la mort en juillet 2016 d'Adama Traoré aurait été causée par un «coup de chaleur», «aggravé» par les manœuvres d'immobilisation et de menottage des gendarmes et, dans une «plus faible mesure», par ses antécédents médicaux. 

Très attendu dans ce dossier, ce rapport établi par quatre médecins belges et dévoilé par L'Obs, a été commandé en juillet par les juges d'instruction parisiens, après le dépôt par la famille du jeune homme de rapports médicaux contredisant les experts de la justice qui mettaient hors de cause les forces de l'ordre.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, 24 ans, décédait dans la caserne de Persan (Val-d'Oise), près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise au terme d'une course-poursuite, et après avoir échappé à une première interpellation un jour de canicule. Depuis lors, une bataille d'expertises oppose les médecins missionnés par la justice et ceux choisis par la famille. Celle-ci accuse les trois gendarmes d'avoir causé la mort d'Adama Traoré par une «asphyxie positionnelle», qu'ils auraient provoquée lors de l'interpellation en faisant peser sur lui leur corps dans la volonté d'exercer sur Adama Traoré un «plaquage ventral».

«Un coup de chaleur en situation d'activité physique relativement brève mais intense»

Toutefois pour les médecins belges, «les éléments du dossier ne répondent pas aux critères médico-légaux reconnus d'une asphyxie positionnelle».

«En revanche l'intervention dans le processus létal d'une période d'asphyxie par contrainte physique ne peut être écartée», ajoutent les experts, évoquant ainsi la «procédure d’immobilisation», qualifiée de «pas particulièrement agressive, mais pas particulièrement prudente».

«Notre opinion est en définitive qu'Adama Traoré a très vraisemblablement développé un coup de chaleur en situation d'activité physique relativement brève mais intense dans des circonstances de stress adrénergique et de chaleur atmosphérique», estiment les médecins avant de conclure : «L'évolution péjorative [de cet état] a été inhabituellement rapide mais reste plausible en raison notamment de la contribution à une hypoxie [manque d'oxygène dans le sang] de manœuvres momentanées de contrainte et dans une plus faible mesure d'états pathologiques sous-jacents». 

Adama Traoré souffrait en effet d'une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose. En 2018, un premier collège d'experts, aux conclusions balayées par les médecins de la famille, avait retenu ces maladies parmi les causes principales de l'asphyxie du jeune homme.

«Les gestes règlementaires opérés par les trois gendarmes l’ont été au regard de la rébellion d'Adama Traoré», ont réaffirmé le 8 février leurs avocats Maîtres Rodolphe Bosselut, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik. 

«Ces trois agents étaient dans l'ignorance la plus complète des antécédents médicaux de cet homme et de ce qui pouvait s’être produit physiologiquement pour lui» avant leur arrivée sur les lieux, poursuit leur communiqué à l'AFP. L'avocat de la famille Traoré, joint par l'AFP, n'a pas souhaité réagir.