Amnesty International publie ce 8 février 2021 une étude sur les 35 interpellations sans poursuite qui se sont déroulées en France lors de la manifestation du 12 décembre contre la loi Sécurité globale à Paris. L’ONG pointe des arrestations pour infractions «vagues», «charges» sans sommation, et une «atteinte aux droits». Sur 142 manifestants interpellés, «près de 80% n'ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite», indique le rapport, consulté par l’AFP.
Amnesty International, qui s’est joint à la coordination d'associations et de syndicats mobilisés contre la loi Sécurité globale, partage ses «inquiétudes légitimes sur les risques qu'il y ait eu des arrestations arbitraires et d'autres violations des droits humains». Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer «Libertés» chez Amnesty International France et auteur du rapport, précise auprès de l’AFP que «la judiciarisation des manifestations n'est pas nouvelle». Elle rappelle : le 12 décembre, «il n'y a pas eu de violences notables de la part des manifestants, de dégradations. Rien ne semble justifier ce qui s'est passé en termes d'arrestations ou de charges».
Entretiens, certificats médicaux, témoignages et vidéos
Pour préparer son rapport, l’ONG a eu accès à des entretiens, certificats médicaux et autres pièces judiciaires. Sur 35 personnes interpellées sans être poursuivies, «33 gardes à vue et deux privations de liberté de près de cinq heures».
Amnesty International constate, sur la base de témoignages de manifestants et de vidéos de la manifestation du 12 décembre (partie de Châtelet pour arriver place de la République) que la manifestation a été le théâtre de «charges» «sans désordres significatifs» et sans «sommation audible». Alexis Baudelin, avocat, l’un des interpellés mais non gardé à vue, témoigne auprès de l’AFP : «J'ai été surpris par la stratégie de maintien de l'ordre : à chaque intersection, les forces de l'ordre chargeaient sans motif ni sommation sur des manifestants non violents.»
En ce qui concerne les 25 cas de détention sur lesquels Amnesty International s’est penchée, il est souligné que ceux-ci se sont faits «sur la base de lois vagues». Parmi elles, celle qui instaure la «participation à un groupement en vue de la préparation de violences».
Seulement deux personnes détenaient un objet pouvant éventuellement justifier la suspicion de préparation de violences : lunettes de plongée, gants et casque de moto.
«C'est un délit fourre-tout, qu'on appelle en droit un délit-obstacle. On sanctionne un fait avant qu'il ne se produise», explique Anne-Sophie Simpere. Une disposition qui «manque de précision», selon le rapport, et «contribue à ce que les autorités l'utilisent d'une façon qui porte indûment atteinte aux droits humains».
De plus, cinq personnes se sont vu interdire de se rendre à Paris, parfois jusqu’à six mois. Une sanction prévue par une loi de mars 2019. Ce qu’Amnesty appelle «une peine sans jugement» qui pose «d'autant plus de problèmes [...] que les personnes visées ne peuvent pas faire appel». L’organisation appelle le Parlement à abroger cette disposition figurant dans le code de procédure pénale.
L’attitude de la police rappelle celle qui avait été constatée lors des manifestations des Gilets jaunes. En 2018 et 2019, 27% des gardés vue avaient fait l’objet de poursuites, comme en avait informé le procureur de la République Rémy Heitz le 25 novembre 2020.