France

La loi de la République «supérieure à la loi de Dieu» : Darmanin irrite certains catholiques

Evoquant le projet de loi sur le séparatisme sur France Inter, le ministre de l'Intérieur a souligné que «la loi de la République» était «supérieure à la loi de Dieu». Des propos qui ont notamment fait réagir certaines personnalités catholiques.

Invité sur le plateau de France Inter le 1er février, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est exprimé face à Léa Salamé sur le projet de loi sur le séparatisme – renommé projet de loi confortant les principes républicains –, les discussions concernant le texte ayant débuté à l'Assemblée nationale le même jour. Et une phrase de son intervention a en particulier suscité les commentaires de personnalités catholiques.

«La loi séparatisme que nous avons aujourd'hui en discussion à partir de cet après-midi donne des pouvoirs extrêmement forts notamment à l’Etat [...] pour lutter contre, pas seulement le terrorisme, mais lutter contre ce qu’on pourrait appeler le séparatisme, l’idéologie islamiste», a ainsi souligné le ministre, avant de poursuivre : «Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier qu’ils sont parfaitement compatibles évidemment avec les lois de la République, que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu».

Incompréhension chez certains catholiques

L'Abbé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles très présent sur Twitter, a ainsi rétorqué : «Il sera aussi difficile de discuter avec nous, chrétiens. Notre foi nous impose d’obéir à César et d’être de bons citoyens... tant que César ne se prend pas pour Dieu. Heureusement que dans l’Histoire, certains ont su résister à des lois iniques au nom de leur conscience».

L'évêque du diocèse de Bayonne, Monseigneur Marc Aillet, a réagi avec fermeté, s'opposant aux propos du ministre : «Quand le ministre de l’Intérieur affirme que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu, a-t-il bien conscience de ce qu’il dit ? La séparation des Eglises et de l’Etat signifie-t-elle désormais la subordination des Eglises à l’Etat ? Cela mérite pour le moins des explications.»

Jean Sévillia, journaliste au Figaro Magazine et historien spécialisé dans l'histoire du catholicisme, estime que le problème est «mal posé». «Il est évident que la loi de Dieu est supérieure à toute loi civile, sous Saint Louis, Napoléon ou Macron», analyse-t-il. Il juge que «la distinction légitime entre le domaine de Dieu et celui de César n'a (presque) jamais posé de difficultés dans les sociétés de culture chrétienne».

Jean-Pierre Denis, ancien directeur de l'hebdomadaire chrétien La Vie, défend que «les lois de la République doivent être respectées par tous, sans exception et sous peine de sanction», mais ajoute qu'«aucun croyant sincère ne peut écrire que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu. Et nul ne doit connaître de loi supérieure à celle de sa conscience».

Gabrielle Cluzel, journaliste et catholique revendiquée, ironise : «Je me mets à genoux devant Dieu, pas devant la République, ça ne fait pas de moi une terroriste !»

Malgré ces critiques, Gérald Darmanin a de nouveau évoqué cette question ce 2 février sur CNews, cette fois en déclarant face au journaliste Pascal Praud : «Il y a un moment où l’Etat doit s’imposer et dire que la loi est au-dessus de la foi.» 

70 articles et 2 650 amendements 

Le 1er février, le premier acte de l’examen du projet de loi contre le séparatisme, réputé être l’un des derniers grands textes du quinquennat Macron, a débuté à l'Assemblée nationale.

70 articles doivent être examinés durant 40 heures pour cadrer les débats (hors temps d’intervention des ministres et rapporteurs). Près de 2 650 amendements ont été déposés.

Ce texte polémique, qui se veut une réponse à l'«islam politique», porte sur des points aussi variés que, entre autres, l'instruction de famille, la haine en ligne, la neutralité du service public, le champ d’application du fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), modifié pour y intégrer les délits relatifs à la provocation et à l’apologie d’actes terroristes, ou encore l'encadrement des associations.