France

Vaccination contre le Covid-19 : l'offensive contre les sceptiques est lancée

Une majorité de Français ne souhaite pas se faire vacciner contre le Covid-19. Si la menace d'un passeport sanitaire plane, LREM a lancé un guide pour convaincre les sceptiques. Une tâche dans laquelle la majorité n'est pas esseulée.

Alors que la campagne de vaccination vient de débuter en France, le scepticisme face aux vaccins y reste élevé, une majorité des habitants n'envisageant pas de se faire vacciner contre le Covid-19, selon plusieurs sondages publiés ces dernières semaines. En effet, à en croire le dernier sondage BVA publié le 27 décembre par le JDD, seules 44% des personnes interrogées affirment vouloir recevoir le vaccin, parmi lesquelles à peine 13% se déclarent «certaines» de le faire.

Des chiffres constants depuis des semaines, puisque début décembre une proportion à peu près identique de sondés (59%) expliquaient auprès de l'Ifop ne pas avoir l'intention de se faire vacciner. «Il y a des craintes sur la nocivité des vaccins, mais aussi des segments de la population perméables à la théorie du complot. Beaucoup de personnes disent aussi ne pas en avoir besoin, soit parce qu'elles ont déjà été malades, soit parce qu'elles ne se sentent pas en danger par rapport à virus», explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Institut de sondage Ifop, dont un autre sondage pour CNews a montré des résultats identiques (61% des personnes interrogées n'ont pas l'intention de se faire vacciner).

Si le mot «complot» est lâché par le directeur adjoint de l'Ifop, il serait pourtant très réducteur de cantonner la défiance à l'égard du vaccin contre le Covid-19 aux adeptes de théories discutables. En effet, bien que la plupart des sondages n'aient pas daigné explorer les raisons de cette méfiance, une précédente étude d'opinion de BVA offre toutefois quelques pistes. Ainsi au premier rang des inquiétudes plane ainsi la rapidité avec lequel le vaccin a été produit, et donc sa fiabilité, mais aussi le manque de recul sur les potentiels effets secondaires.

Ce second point est particulièrement présent chez les femmes, plus réticentes encore que les hommes à se faire vacciner. «Dans l’histoire de la vaccination, les femmes ont toujours eu davantage peur des effets secondaires. De manière générale, elles craignent aussi plus les risques liés au développement technologique, comme la 5G et les OGM. Mais on ne sait pas vraiment pourquoi», note Jocelyn Raude, sociologue à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes dans les colonnes du Telegramme.

Deux autres éléments sont notables : d'une part, et sans grande surprise, l'âge est facteur déterminant; les plus de 65 ans étant de loin les plus favorables à la vaccination parmi les différentes tranches d’âge. «Il y a une banalisation [du] Covid qui fait de moins en moins peur aux plus jeunes. La crainte de tomber malade et l’intérêt de la vaccination augmentent avec la catégorie d’âge», souligne Jocelyn Raude.

Enfin, la vaccination contre le Covid est devenue un sujet hautement politisé : ces sondages montrent ainsi que les partisans de LREM sont très majoritairement prêts à se faire vacciner (et dans une moindre mesure ceux du PS et de LR), alors que l'inverse est vrai pour les sympathisants de la France Insoumise, du Rassemblement national, et même des Verts.

Le guide de LREM pour convaincre d'«avoir confiance dans le vaccin»

Le gouvernement ayant placé la vaccination au cœur de sa lutte contre l'épidémie, cette défiance est un caillou bien logé dans sa chaussure. Conscient du problème, Emmanuel Macron a tenté de rassurer en répétant à qui veut l'entendre que la vaccination ne serait pas obligatoire. Une manière qu'il espère habile de contourner le problème; le gouvernement évoquant de son côté, à l'instar du Haut-Commissaire au Plan François Bayrou, l'idée d'un passeport sanitaire, qui interdirait aux non vaccinés d'accéder à certaines activités.

La manœuvre ne dupe toutefois personne, comme en témoigne le rejet quasi unanime d'un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale par Jean Castex le 21 décembre. Pour ses – nombreux – détracteurs la pérennisation des mesures d'urgence sanitaire prévue dans le texte, qui reprenait en substance l'idée d'un passeport sanitaire, ferait en effet des non vaccinés des «citoyens de seconde zone».

Pour faire accepter ses mesures pour le moins impopulaires, la majorité s'en remet donc, entre autre à... ses adhérents. Dans un guide à l'attention de ces derniers, LREM les encourage à discuter politique à l'occasion des fêtes de fin d'année, et l'accent est notamment mis sur ce sujet : «Avoir confiance dans le vaccin.»

«Si les inquiétudes autour de son efficacité et de potentiels risques associés sont légitimes, les contre-vérités et les thèses qui pullulent le sont nettement moins et nécessitent d’être contrées», explique en préambule le texte. Pour contrer «ceux qui répandent de fausses affirmations à des fins politiques ou complotistes» dans le but «d’imposer par la force et la manipulation leur vision unique», LREM livre quelques éléments de langages et citations à retenir. Parmi celles-ci, Emmanuel Macron assurant que la stratégie vaccinale reposerait sur les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) : «Il ne faut pas laisser penser que ce sont juste les laboratoires pharmaceutiques qui communiquent.»

Outre une réflexion sur le coût, c'est d'avantage l'inquiétude face à la rapidité de développement du vaccin que LREM cherche à contrer, en incitant ses adhérents à renverser l'argument. «La science est fantastique, la médecine est magnifique et plutôt que d’en douter, nous devrions collectivement nous en féliciter ! L’arrivée de vaccins moins d’un an après le déclenchement de la pandémie est un immense espoir, et une prouesse», assène ainsi LREM, avant de conclure qu'il est impératif de ne pas céder «aux sirènes de la défiance», puisqu'il en va ni plus ni moins que «de la santé de notre démocratie».

Dans les médias, sur les réseaux sociaux

Un message qui a visiblement fait son chemin jusqu'à l'éditorialiste Christophe Barbier. Dans une vidéo postée sur son compte Twitter le 28 décembre, le journaliste dévoile la «pédagogie» qu'il faut selon lui mettre en œuvre à l'attention des Français pour qu'ils aillent se faire vacciner. Avec en premier lieu la nécessité de «convaincre»: «Il faut publier les études qui montrent que le vaccin est efficace. Il n'y a pas que les communiqué de presse des laboratoires comme le prétendent les anti-vaccins.»

Christophe Barbier appelle en outre le gouvernement à déployer une stratégie de communication pour inciter «à la vaccination, comme il y en a pour inciter au respect des gestes barrières, au nom de l'altruisme». Enfin, le journaliste pose comme le gouvernement les jalons d'un passeport sanitaire, pour «contraindre» les plus réticents à franchir le pas, «en expliquant que les non vaccinés devront assumer la responsabilité de leur choix, à savoir se retirer des moments de vie collective où ils peuvent être dangereux pour les autres».

Cette vaste opération qui vise à convaincre les Français de la nécessité – et de la sécurité – de la vaccination contre le Covid, peut en outre s'appuyer sur d'autres relais. Reprise sur France Inter, la page Facebook les Vaxxeuses, qui compte plus de 18 000 abonnés est de ceux là. Créé en 2017 suite à l'annonce du gouvernement de l’augmentation du nombre de vaccinations obligatoires, les Vaxxeuses, s'attelle désormais à la tâche «de ne pas laisser le terrain des réseaux sociaux aux anti-vaccins».

Avec une stratégie bien établie, mélanger «pédagogie et humour», en publiant chaque jour sur leur page Facebook les «perles» des anti-vaccins. «Ce sont parfois les thèses les plus absurdes, par exemple l'histoire qui circule beaucoup sur Internet en ce moment, c'est celle de la puce 5G qui serait présente dans le vaccin Covid et que le gouvernement voudrait injecter dans notre corps pour mieux nous contrôler !», explique à France Inter le créateur de la page.

Reste à voir, si comme le souhaite le créateur des Vaxxeuses, cette stratégie permettra d'éviter aux sceptiques de basculer dans l'opposition aux vaccins...