France

Beauvau de la sécurité : Darmanin reçoit des syndicats de police pour tenter d'apaiser la colère

Alors que deux syndicats majoritaires de la Police nationale ont fait savoir qu'ils ne participeraient pas au Beauvau de la sécurité voulu par Emmanuel Macron, Gérald Darmanin convoque certaines organisations à son ministère. Analyse.

Coup de tonnerre au sommet de l'Etat ? Fâchés de voir une partie de leur revendications d'octobre reportées à une date ultérieure incertaine, les grands syndicats amis Alliance-Police nationale et l'Unsa-Police ont annoncé le 15 décembre qu'ils ne participeraient pas au Beauvau de la sécurité annoncé par Emmanuel Macron.

C'est du moins ainsi que les choses ont été présentées dans la presse. En réalité, dans son tract, le syndicat majoritaire chez les compagnies de sécurité républicaine se montrait catégorique : «L'Unsa-Police ne participera pas au Beauvau de la sécurité, en l’état actuel des discussions...»

Puis dès le lendemain un autre tract suivait, plus raisonnable et moins relayé par le monde médiatique, dans lequel on pouvait cette fois lire : «Dans un courrier adressé ce jour à l'Unsa-Police, le président de la République a pris en compte les positions développées par notre organisation syndicale. Il nous est précisé que la rencontre avec le ministre de l’Intérieur, ce vendredi 18 décembre, "nous apportera des précisions relatives à la mise en œuvre des mesures annoncées." [...] L'Unsa-Police répondra favorablement à l’invitation du ministre, mais conditionne sa participation au Beauvau de la Sécurité par des réponses tangibles aux dossiers déjà abordés.»

Ce n'est plus un nuage de fumée, c'est un brouillard londonien ! On sait très bien quelles peines sont exécutées ou pas, cela s'appelle les statistiques du ministère de la Justice, tout simplement !

Finalement, Gérald Darmanin a reçu tour à tour en bilatérale, ce 18 décembre, une partie des organisations policières et la présidence a d'ores et déjà fait savoir à ces dernières qu'elle accéderait à la demande formulée par Alliance en juillet : la création d'un observatoire des réponses pénales qui devrait être mis en place au 1er juillet 2021.

Une création qui a été jugée superflue par le porte-parole de l'Union nationale des policiers indépendants, Jean-Pierre Colombiès contacté par RT France ce 18 décembre : «Cet observatoire, je ne sais pas ce que ça veut dire... Ce n'est plus un nuage de fumée, c'est un brouillard londonien ! On sait très bien quelles peines sont exécutées ou pas, cela s'appelle les statistiques du ministère de la Justice, tout simplement !»

Par ailleurs, Gérald Darmanin a répondu positivement à deux demandes pressantes de l'Unsa-Police : la prise en charge de la complémentaire santé et la gratuité des transports pour les policiers nationaux.

Toutefois, certains syndicats de police plus minoritaires déplorent de n'avoir pas été conviés à ces nouvelles discussions annoncées comme regroupant l'ensemble des syndicats par Gérald Darmanin devant les sénateurs le 16 décembre. Ainsi dans un courrier adressé au ministre ce même jour, le secrétaire général de VIGI-MI, Alexandre Langlois écrivait, sur un air faussement naïf : «Monsieur le ministre, vous avez déclaré aujourd'hui lors de votre intervention au Sénat : "Ce vendredi je reçois les syndicats de police, l'ensemble des syndicats de police, l'intégralité des syndicats de police, qui, en bilatérale vont pouvoir évoquer un certains nombres de sujets." Vous avez insisté sur "ensemble" et "intégralité" des syndicats de police. VIGI est le syndicat historique de la police nationale, créé en 1883, aussi je me permets de vous informer que mon organisation n'a pas reçu d'invitation pour cette réunion bilatérale. J'espère que cet oubli sera réparé en retour à ce mail, car je n'ose imaginer que vous ayez menti aux sénateurs.»

On approche de la présidentielle et on a cette impression d'être désavoués par clientélisme électoral

Même son de cloche du côté de chez France Police dont le secrétaire national, Antoine Villedieu, a été interrogé par RT France ce 18 décembre : «Nous, chez France Police-Policiers en colère, on n'a pas été invités, même si on représente quasiment 6 000 fonctionnaires. Nous n'attendons pas grand chose, sauf des actes. [...] Emmanuel Macron en l'espace de 18 mois a complétement changé de discours. On avait besoin des forces de l'ordre pour constituer un dernier rempart face à des manifestations relativement violentes durant le mouvement des Gilets jaunes... donc il fallait soutenir les forces de l'ordre puisqu'on avait besoin d'elles. Et aujourd'hui, on se retrouve dans la position inverse, on approche de la présidentielle et on a cette impression d'abandon, d'être désavoués par clientélisme électoral.»

Le syndicat Unité-SGP-FO, considéré comme plus aligné sur les positions du gouvernement et avec un secrétaire général sur le départ, Yves Lefebvre (dont les opposants de VIGI-MI assurent dans un communiqué du 17 décembre qu'il est «adhérent» au parti présidentiel LREM), a pour sa part déclaré auprès de l'AFP à propos du Beauvau de la sécurité : «On nous a dit qu'il y aurait des réunions à Beauvau tous les 15 jours autour des "sept péchés capitaux", les propositions de réformes de la police avancées par Gérald Darmanin».

Et d'expliquer : «L'objectif est d'aboutir à une Lopsi», c'est-à-dire une loi d'orientation et de programmation pour 2022.

Fabien Vanhemelryck d'Alliance a pour sa part expliqué à la presse, à la sortie de la réunion à Beauvau, que son syndicat n'avait pas encore confirmé ou infirmé sa participation au Beauvau de la sécurité : «On n'est pas du genre à croire au Père Noël», a-t-il justifié.

Cette concertation sur l'avenir des forces de police devrait durer jusqu'au mois de mai... Une manière pour le gouvernement de tenir les policiers en haleine et d'éteindre toute grogne à l'usure ? Peu convaincu, un syndicaliste policier qui a connu de nombreux ministres de l'Intérieur a déclaré, caustique, à RT France : «Quand c'est en bilatérale, en général, ça sent les coups fourrés.»

Antoine Boitel