La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a annulé le 1er décembre pour raisons procédurales la dernière expertise judiciaire rendue fin mai qui mettait hors de cause les gendarmes dans la mort en 2016 d'Adama Traoré, rapporte l'AFP de source judiciaire. Maître Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après son interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d'Oise), avait dénoncé le 15 juin une violation du code de procédure pénale et demandé l'annulation de cette expertise, s'interrogeant sur une «tentative d'escroquerie» au jugement.
L'avocat soulignait que les trois médecins ayant rédigé ce rapport avaient fait appel à un confrère cardiologue sans le mentionner dans l'expertise ou sans en demander l'autorisation au juge d'instruction. C'est via un courrier envoyé début juin aux magistrats instructeurs que l'un de ces médecins leur annonçait qu'ils avaient travaillé en «prenant avis» auprès d'un tiers.
Or, selon le conseil, une telle sollicitation aurait dû être mentionnée dans l'expertise, très critiquée par la famille d'Adama Traoré. La chambre de l'instruction a donc annulé, comme le demandait également le parquet général de la cour d'appel, cette expertise pour «cette question de procédure», selon une source judiciaire.
Cette annulation ne s'appuie pas sur la teneur des conclusions
«Les experts sélectionnés par les juges d'instruction ont violé les dispositions du code de procédure pénale», s'est félicité maître Bouzrou sur Twitter. Une expertise «mensongère» selon le collectif «La vérité pour Adama».
«Cette annulation ne s’appuie pas sur la teneur des conclusions des experts, mais sur un défaut de respect du formalisme requis par le Code de procédure pénale», ont considéré dans un communiqué les avocats des gendarmes, maîtres Rodolphe Bosselut, Pascal Rouiller et Sandra Chirac Kollarik.
L'expertise établissait qu'«Adama Traoré [n'était] pas décédé d'asphyxie positionnelle», ce qui impliquerait une responsabilité des gendarmes auteurs de l'interpellation, «mais d'un œdème cardiogénique.» «L’association d’une sarcoïdose pulmonaire [pathologie rare], d’une cardiopathie hypertrophique et d’un trait drépanocytaire [une maladie génétique] ont probablement pu y contribuer dans un contexte de stress intense et d’effort physique, sous concentration élevée de tétrahydrocannabinol», le principe actif du cannabis, assurait cette expertise désormais exclue du dossier.
Le 19 juillet 2016, Adama Traoré est décédé dans la caserne des gendarmes de Persan (Val-d'Oise), près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise et au terme d'une course-poursuite après avoir échappé à une première interpellation. Ce dossier est revenu sur le devant de la scène médiatique au printemps, à la suite du décès de George Floyd aux États-Unis. Sur le plan judiciaire, il a viré en bataille de médecins, après une première clôture du dossier fin 2018.
Les deux autopsies et les quatre expertises missionnées par la justice, parmi lesquelles celle annulée du 1er décembre, ont jusqu'ici mis en avant des antécédents médicaux, notamment cardiaques et génétiques, pour expliquer ce décès, dédouanant ainsi les gendarmes. Une nouvelle expertise médicale, confiée en juillet à des médecins-experts belges, est attendue pour janvier 2021. Les deux rapports successifs de quatre médecins choisis par la famille ont au contraire balayé ces conclusions et mis en cause les forces de l'ordre auxquelles ils reprochent un «plaquage ventral» aux conséquences mortelles, alors que les gendarmes contestent avoir utilisé cette technique.