Hassen Chalghoumi, souvent qualifié par la presse d'«imam républicain», subit d'une part des menaces de mort récurrentes mais aussi des critiques concernant la nature de son rôle. Des réserves qui émanent notamment de figures musulmanes françaises. Dernière charge en date : le président de la Fondation de l’Islam de France, Ghaleb Bencheikh, qui a dressé un portrait au vitriol du très médiatique imam, dans un entretien au média algérien TSA le 12 novembre.
Commençant par dénoncer fermement les menaces de mort visant l'imam de Drancy (93), Ghaleb Bencheikh poursuit : «Les musulmans de France le récusent et contestent son "porte-parolat" imposé. Il ne suffit pas qu’un quidam clame des choses sur lesquelles nous sommes tous d’accord pour qu’il soit propulsé au rang d’un "clerc".»
Ajoutant que les musulmans se sentent «en effet, humiliés de voir un benêt ânonnant des mots convenus, le plus souvent sans finir ses phrases, parler en leur nom et [être] présenté comme leur représentant», Ghaleb Bencheikh qualifie encore Hassen Chalghoumi de «repoussoir auprès des jeunes musulmans».
Une charge qui n'a pas laissé de marbre le principal intéressé, joint sans succès par RT France. Citant son avocat, Le Courrier de l'Atlas rapporte ainsi le 18 novembre qu'Hassen Chalghoumi a porté plainte contre Ghaleb Bencheikh à la suite de son entretien, et a demandé «la destitution du président de la Fondation de l’Islam de France».
Une pétition anti-Chalghoumi
Quelques jours avant les propos de Ghaleb Bencheikh, Marianne révélait déjà qu'une pétition circulait contre celui qui préside la Conférence des imams de France, signée entre autres par «l'ex-madame islam d'Emmanuel Macron», Bariza Khiari. Intitulé : «Pour que Hassen Chalghoumi ne soit plus le porte-parole des musulmans de France.», le texte précise : «Ses prestations cathodiques ne rendent service à personne : ni aux musulmans qu’il ne cesse de dénigrer, ni à nos compatriotes puisqu'il ne fait qu’accentuer le fossé qui se creuse entre les différentes communautés.»
«On n’en peut plus de voir ce type sur tous les plateaux, on n’en peut plus ! C’est un repoussoir ! Ras-le-bol !», poursuivait Bariza Khiari auprès de l'hebdomadaire. Tandis qu'Hassen Chalghoumi ne prétend pas lui-même à la fonction de porte-parole des musulmans de France, la pétition s'adresse davantage aux médias, appelés à ne plus inviter l'imam sur les plateaux de télévision.
Car Hassen Chalghoumi est effectivement très présent médiatiquement lors des polémiques liées à l'islam et particulièrement à l'islam radical. L'imam se distingue par exemple en défendant la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, ce qui lui vaut d'être décrit comme «courageux» par Bernard Henri-Lévy. Hassen Chalghoumi salue par ailleurs le discours «responsable» d'Emmanuel Macron contre le séparatisme islamiste, position qui ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté musulmane.
L'imam de Drancy s'affiche par ailleurs régulièrement sur le devant de la scène lors des cortèges d'hommages aux victimes des attentats, qu'il lui arrive d'organiser. Lors d'une «Marche des musulmans contre le terrorisme» en 2017 pour commémorer le deuxième anniversaire des attentats du 13 novembre, le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait d'ailleurs refusé l'invitation de Hassen Chalghoumi, preuve que sa personne ne fait pas l'unanimité.
Les représentants du CFCM dénoncent eux aussi l'attitude de l'imam de Drancy, qu'ils accusent de se lancer parfois dans des actions d'«autoflagellation». En ce sens, le journaliste Benoît Fauchet de l'AFP notait le 14 janvier 2015 que «l'omniprésence médiatique [d'Hassen Chalghoumi] est inversement proportionnelle à [son] aura auprès des fidèles [malgré son] discours modéré mais au parcours et aux motivations flous».
Ciblé par des fatwa et des menaces de mort
Remis sur le devant de la scène médiatique après la terrible décapitation mi-octobre de Samuel Paty, perpétrée au nom d'une certaine vision de l'islam, l'imam de Drancy n'est pas uniquement la cible de critiques, mais également d'une nouvelle vague d'appels à la violence.
Son avocat David-Olivier Kaminski explique ainsi qu'Hassen Chalghoumi fait l'objet d'une menace «complètement exacerbée», après s'être recueilli en compagnie de représentants du culte musulman d'Ile-de-France devant le collège où officiait l'enseignant décédé dans l'attentat.
David-Olivier Kaminski a ainsi adressé au moins trois plaintes au parquet de Paris, consultées par l'AFP, concernant les menaces «par milliers» et la «fatwa» dont l'imam, âgé de 48 ans, fait l'objet. David-Olivier Kaminski a de fait écrit le 27 octobre un courrier au chef de l'Etat, révélé le 6 novembre par Le Parisien et consulté par l'AFP, pour demander un «renfort» de la protection policière autour de son client.
Trois enquêtes ont d'ailleurs été ouvertes et confiées à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes, selon le parquet de Paris.
«L'une porte sur des faits d'apologie du terrorisme et de menace de mort, une autre sur des faits de provocation à la commission d'atteinte à l'intégrité physique ou à la vie et la dernière sur des faits de menaces de mort», a précisé le parquet, cité par l'AFP.
Considéré comme «l'imam des juifs»
Hassen Chalghoumi, qui a pris la tête de la mosquée de Drancy en 2007, est en outre connu pour ses engagements contre l'intégrisme et ses rapports d'amitié avec la communauté juive, mais aussi pour ses visites en Israël, qui lui ont valu des menaces de mort. Ses positions envers la politique israélienne ont également suscité de nombreuses critiques, comme par exemple son opposition au mouvement de boycott (présenté par ses partisans comme un moyen lutter contre la colonisation israélienne), qu'il a présenté comme «contraire à la loi coranique».
Le journal belge La Libre explique par exemple qu'Hassen Chalghoumi est «peu apprécié dans les milieux musulmans de France pour ses liens forts avec des milieux juifs et sa forte médiatisation». Celui qui est parfois surnommé avec ironie l'«imam des juifs» fait également face à des critiques acerbes de la part d'organisations controversées comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), dont le gouvernement a demandé la dissolution.
Hassen Chalghoumi avait notamment été la cible récemment du collectif pro-palestinien Cheikh Yassine, dont le fondateur Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste radical, a été mis en examen dans l'enquête sur l'assassinat de Samuel Paty.
Le collectif avait déclenché en 2010 un mouvement de protestation contre Hassen Chalghoumi, en manifestant pendant des mois devant la mosquée de Drancy. Deux membres de l'organisation avaient même été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour avoir tenté de s'introduire au domicile de l'imam.