Le discours prononcé le 2 octobre aux Mureaux (Yvelines) par Emmanuel Macron où il affirme vouloir s'attaquer «au séparatisme islamiste [qui] se traduit souvent par la constitution d'une contre-société», a fait réagir l'opposition – de manière très variée.
L'offensive présidentielle contre ce séparatisme n'a manifestement pas convaincu à droite comme à gauche, où on juge le discours du chef de l'Etat tantôt trop timoré, tantôt excluant, tantôt hors sujet.
[Macron] semble avoir entendu les alertes lancées par Marine Le Pen et le Rassemblement national depuis des années
Et dans les rangs de l'opposition, c'est le Rassemblement national (RN) qui se montre le plus tendre envers le discours présidentiel, rappelant au passage qu'il vient labourer sur les terres du parti de Marine Le Pen. Dans un communiqué, le RN se félicite du fait que le président «semble avoir entendu les alertes lancées par Marine Le Pen et le Rassemblement national depuis des années» et constate «que certaines mesures vont dans le bon sens». Mais le RN regrette néanmoins que «des pans entiers de la menace islamiste sont occultés ou minimisés» et notamment l'absence de questionnement sur «l'immigration massive qui est le terreau du communautarisme», ajoute le RN dans son communiqué.
«Mureaux : si le RN proposait une telle loi sur "l’islamisme radical, cœur du sujet" dont "le but final est de prendre le contrôle complet" : ce serait "Macron facho" !», a tweeté sur le même sujet le député RN Gilbert Collard.
«Ce texte sera un coup pour rien», pronostique pour sa part le député Les Républicains (LR), Eric Ciotti à propos du futur projet de loi. «Prétendre lutter contre l’islamisme sans parler d’immigration, c’est gérer les conséquences sans traiter les causes», abonde pour le même parti Bruno Retailleau.
Passe d'armes entre Mélenchon et Macron
A gauche de l'échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon a jugé que ce discours était «contre les musulmans» et qu'Emmanuel Macron aurait mieux fait d'assister jusqu'à la fin aux débats du deuxième jour du Conseil européen, où des discussions sur «les relations commerciales avec la Chine, la politique industrielle, l’autonomie stratégique de l’Union et le marché unique» étaient à l'ordre du jour.
La loi telle qu'elle est aujourd'hui permet de réprimer les actes délictueux tels que d'éventuels prêches, de quelque religion que ce soit, contre la République ou appelant à la violence
Le chef de file de La France insoumise a fustigé le «caractère hypocrite et malfaisant» du discours de Macron. «C'est une mise une scène dramatisante absolument inutile : la loi telle qu'elle est aujourd'hui permet de réprimer les actes délictueux tels que d'éventuels prêches, de quelque religion que ce soit, contre la République ou appelant à la violence», a poursuivi Jean-Luc Mélenchon. Selon lui, Emmanuel Macron «épouse une certaine opinion dans le pays» qui estime que «tous les problèmes viennent de l'islam».
Réagissant à cette critique, Emmanuel Macron a répondu, ce 2 octobre, en accusant Jean-Luc Mélenchon de vouloir «impuissanter» la République. «Je n’ai pas le sentiment d’avoir tenu un discours contre les musulmans, mais tout le contraire. Mais vous voyez que son projet politique est la caricature pour impuissanter la République», a souligné le chef de l’Etat, appelé à réagir après son discours. «Je pense que Jean-Luc Mélenchon, s’il avait à cœur à défendre l’image de la France, sa place dans le concert européen, nous l’aurions vu depuis longtemps», a-t-il ajouté.
Le député La France insoumise Adrien Quatennens estime, à l'image du leader de son parti, qu'il y a des sujets plus importants. Dans un tweet emprunt d'ironie, l'élu de la première circonscription du Nord écrit : «La pauvreté explose alors que les 25 plus grandes fortunes ont augmenté de 255 milliards (13 000 euros par seconde) pendant la crise sanitaire. Important discours de Macron car le séparatisme des riches menace la République. Ah, pardon, on me dit qu’il va parler des musulmans !»
Au Parti socialiste, on est plus tempéré. Olivier Faure considère que les propositions présidentielles «évitent le piège de la stigmatisation de toute une religion», mais regrette l'absence d'une inflexion de la politique économique et sociale. «On ne reconquiert pas les territoires perdus avec du sable dans les mains», image le premier secrétaire du PS. «La France n’éradiquera durablement l’Islamisme sans traiter le mal dès la racine. Sortir du jeu les séparatistes mais aussi réparer les humiliations», préconise-t-il.
«Emmanuel Macron pose un diagnostic plutôt juste sur les faiblesses de notre République mais réduit ses réponses à l'islam. Rien sur les quartiers que la République abandonne», observe le député PCF de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu.
Après ce discours présidentiel très commenté, le futur projet de loi contre les séparatismes doit être présenté le 9 décembre avant d'être débattu en 2021, au Parlement. «Le ministre de l'Intérieur [Gérald Darmanin] et sa ministre déléguée [Marlène Schiappa] présenteront [...] un projet de loi qui, 115 ans après l'adoption définitive de la loi de 1905, visera à renforcer la laïcité, à consolider les principes républicains», a déclaré le chef de l'Etat. Ce projet devrait être porteur des diverses mesures égrenées par Emmanuel Macron lors de son discours.