Compétitivité des entreprises françaises, transition écologique, cohésion sociale et territoriale... Le Premier ministre Jean Castex a présenté ce 3 septembre les trois volets du plan de relance gouvernemental chiffré à 100 milliards d'euros. Ces mesures destinées à relancer la croissance après la crise du Covid-19, qui a mis l'économie française à l'arrêt au printemps, n'ont pas satisfait l'opposition, qui les jugent notamment «insuffisantes».
«C'est le plan du sapeur Camember, ce personnage de bande dessinée au XIXe siècle», qui creusait à chaque fois un trou pour remplir le précédent, a ainsi déploré le premier secrétaire du PS Olivier Faure sur franceinfo.
«Vous avez un plan dont on nous dit qu'il est censé préparer l'avenir et (...) dans le même temps on fait aussi en sorte d'aider les entreprises carbonées, qu'il n'y ait pas de conditions fixées à la baisse de la fiscalité pour les entreprises», a poursuivi le député de Seine-et-Marne, en allusion à la volonté du gouvernement de préparer la France de 2030.
Du côté des écologistes, le secrétaire national d'EELV Julien Bayou a fustigé un «plan de relance à l'ancienne» dont les 30 milliards d'euros pour l'écologie ne sont qu'un «investissement ponctuel et nettement insuffisant». «Pour évaluer le plan de relance, il faut l'étudier. Attendons que l'enthousiasme sur commande des médias se calme. A présent, seule la com de Macron est relancée», a estimé le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Le député LFI Adrien Quatennens a dénoncé un plan favorable au patronat : «Derrière les gesticulations, le nouveau jackpot du grand patronat sans contrepartie sociale et écologique. Les plus fragiles n'ont qu'à tirer la langue !», a-t-il twitté.
Du côté du PCF, le secrétaire national Fabien Roussel a regretté les insuffisances sociales du plan : «On aurait aimé 0 licenciement, réduction du temps de travail, plan pour l'embauche et la formation dans nos services publics et dans l'industrie, 750 000 emplois CDI pour nos jeunes...»
A droite, le patron des Républicains Christian Jacob a jugé que «le plan de relance du gouvernement arrive tard». «On aurait dû le faire avant l'été pour permettre aux entreprises d'anticiper davantage», a-t-il estimé.
Comment le pays va payer ?
Le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Eric Woerth (LR), a de son côté redouté que le plan ait de graves conséquences pour les finances publiques. «Comment le pays va payer ? Est-ce que la relance n’est pas une bombe à retardement sur le plan économique, social, parce qu’on s’endette comme des fous», s'est-il inquiété sur Sud Radio.
Du côté du Rassemblement national, son numéro deux Jordan Bardella a jugé dans un communiqué que le plan n'allait «pas assez loin» et «péchait surtout par son éparpillement entre des dizaines de projets à financer, pas toujours cohérents entre eux». Il a suggéré «des mesures simples et rapides» favorisant le pouvoir d'achat, dotant davantage les fonds propres des entreprises, avec des «annulations massives» de charges. Il estime en outre que le gouvernement «continue d'enfumer les Français» puisque «les milliards de l'UE auront pour contrepartie l'application de réformes» comme celle des retraites.
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, a de son côté accusé Emmanuel Macron de chercher «à se faire réélire» avec le plan de relance : «Son montant est trop faible et il saupoudre l'argent public, au lieu de provoquer un choc de production nationale», a-t-il regretté dans un communiqué.
Le patronat satisfait, les syndicats mettent en garde
Les représentants du patronat et des syndicats de salariés ont également réagi aux annonces gouvernementales. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) a salué «les choix du plan de relance, notamment celui de privilégier la transformation de l'économie et les secteurs d'avenir».
Il note que «la mobilisation de l'enveloppe doit être très rapide pour faire repartir la croissance», et que «certains secteurs particulièrement touchés ne sont pas encore dans la phase de relance. Pour eux, il est indispensable de prolonger les mesures d'urgence adoptées au printemps».
«Tout l'enjeu du plan ce sera sa méthode d'exécution. Les moyens sont là, c'est dans la mise en œuvre qu'on verra si les résultats sont là», a déclaré à l'AFP le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
Avec un milliard d'euros dédié à l'agriculture, le plan est une «première satisfaction» pour la FNSEA, qui estime que la crise a «mis en lumière l'enjeu de la souveraineté alimentaire». «Nous serons extrêmement vigilants à la traduction du plan de relance dans les faits», prévient toutefois la première organisation des agriculteurs.
«Toutes ces aides – ça fait beaucoup de milliards – ne sont pas associées à des contreparties, on donne des sous et on verra ce qui se passe», a regretté sur France 2 le numéro un de la CGT Philippe Martinez, déplorant également l'absence d'annonces pour les salariés de «la deuxième ligne» comme les caissières et les aides à domicile.
Le responsable de FO Yves Veyrier a regretté sur RTL qu'en général les plans de relance ne soient «jamais conditionnés à l'emploi». Il a également estimé que «la question du salaire doit faire partie du plan de relance», appelant à ce qu'on «n'oublie pas les salariés de la "deuxième ligne"». La CFDT pointe «les marges de manœuvre importantes données aux entreprises (qui) engagent leur responsabilité en termes de préservation de l'emploi, de transition écologique, de partage des richesses et de dialogue social» et réclame en entreprise des avis du comité social et économique (CSE) «sur l'utilisation des aides publiques pour garantir qu'elles seront bien investies (...) dans la transition écologique et l'emploi de qualité».
La CFTC a elle estimé que le plan de relance est «sur la bonne voie, mais trop peu équilibré, ciblé et conditionné». Elle regrette notamment qu'il soit «quasi-exclusivement axé vers les entreprises» et qu'il n'impose pas d'obligations à celles qui bénéficieront d'aides. La CFTC demande «que la première condition pour obtenir des aides soit la création effective d'emplois, ou a minima le maintien de l'emploi».