France

La moitié des livreurs sans papiers de l'entreprise Frichti sur la voie de la régularisation

C'est la fin d'un conflit de plus d'un mois. Environ la moitié des livreurs sans papiers de l'entreprise de livraison de repas Frichti vont bientôt être régularisés. A condition de trouver un emploi dans les années à venir.

La moitié des 200 livreurs sans papiers de Frichti en grève depuis le mois de juin ont obtenu l'accès à une procédure de régularisation, tandis qu'un accord signé avec l'entreprise ouvre aux autres un fonds de solidarité, a appris l'AFP le 22 juillet. «Environ la moitié des grévistes va être convoquée [à la préfecture de police] pour obtenir un récépissé, ouvrant la voie à leur régularisation», a indiqué à l'AFP un porte-parole des livreurs, Ibrahim Keita, confirmant une information du quotidien Libération.

La création d'un fonds de solidarité

Un accord de sortie de conflit signé par les grévistes avec Frichti prévoit que ceux, dont le dossier n'a pas été retenu pour une régularisation, pourront bénéficier d'un fonds de solidarité abondé par l'entreprise. «Le fonds permettra d'indemniser ces livreurs que nous ne pouvons plus employer à hauteur de plusieurs mois de facturation», a indiqué à l'AFP Quentin Vacher, cofondateur de Frichti. Cette société de livraison de repas s'est aussi engagé à créer 15 postes de salariés dans la logistique et en cuisine, a-t-il précisé.

C'est la publication dans Libération d'un article sur les conditions de travail d'un livreur pour un sous-traitant de Frichti qui a déclenché le conflit début juin. A l'arrivée, un contrôle de tous ses livreurs par la plateforme avait privé de travail 200 travailleurs qui se sont immédiatement mobilisés pour obtenir leur régularisation. Soutenus par la CGT, ils ont négocié pendant un mois et demi à la fois avec Fritchi et l'Etat.

«Les discussions ont été très âpres avec l'Etat, qui a craint de créer un précédent et un appel d'air pour d'autres travailleurs illégaux», a expliqué Marilyne Poulain, de la CGT.

L'entreprise a fourni des attestations de travail à ses livreurs, un geste qui n'est généralement pas du goût des plateformes, selon la responsable syndicale, évoquant un accord «positif, mais qui génère évidemment des frustrations, puisque tout le monde n'a pas pu accéder à la régularisation».

Les dossiers retenus l'ont été sur la base du temps effectué en France et du chiffre d'affaires des livraisons accomplies pour Frichti. Les livreurs auront un délai «significatif» pour décrocher un contrat de travail, explique Marilyne Poulain. Elle évoque la création d'une coopérative, sur le modèle des Coursiers bordelais à Bordeaux, qui pourrait employer les coursiers et dont le client serait Frichti. «Nous sommes tout à fait ouverts à cette idée», a confirmé Quentin Vacher.

La fin d'un mois de conflit

Cette décision s'opère à la suite de la manifestation du 8 juin dernier, qui avait rassemblé plus de 200 personnes pour demander à l'entreprise Frichti d'obtenir une régularisation à ses livreurs sans papiers. Majoritairement originaire du Mali, du Sénégal ou de la Côte d'Ivoire, les salariés s'étaient regroupés dans le Ier arrondissement de Paris devant un des points de vente de la société.

L'avocat Kevin Mention, qui accompagne ces livreurs sans papiers, les avait encouragés à demander à Frichti un contrat de travail pour pouvoir ensuite être régularisés, alors que beaucoup d'entre eux sont auto-entrepreneurs et donc considérés par Frichti comme prestataires de service et non comme salariés. 

«C'est la première fois en France que les livreurs sans papiers s'organisent collectivement et à ce titre, c'est historique», avait estimé Marilyne Poulain, en s'adressant aux «plus précaires parmi les plus précaires». Elle avait souligné qu'«aujourd'hui, la régularisation pour les auto-entrepreneurs n'est pas forcément prévue dans la loi», et avait salué ces livreurs «en première ligne pendant le confinement». 

Dans un communiqué que l'AFP avait pu consulter, l'entreprise Frichti avait affirmé qu'«un contrôle mis en œuvre au début du mois de juin 2020 avait fait apparaître que certains salariés n'étaient plus en capacité de nous présenter une situation régulière». La société Frichti avait d'ailleurs expliqué avoir été contrainte «de cesser de collaborer» avec les livreurs qui n'étaient pas en règle, «le temps pour eux de régulariser leur situation» tout en affirmant leur avoir proposer «un accompagnement au cas par cas dans leurs démarches administratives».