France

Inutile, recommandé, puis obligatoire : retour sur les revirements du gouvernement autour du masque

Le port du masque de protection respiratoire est désormais obligatoire dans tous les lieux publics clos. Néanmoins la politique du gouvernement français a beaucoup fluctué au gré de l'épidémie. Retour sur les grandes étapes de la gestion de la crise.

135 euros d'amende. C'est ce qu'il vous en coûtera à partir du 20 juillet si vous ne portez pas de masque dans un lieu public clos, tel qu'un magasin ou encore une mairie ou une banque. Cette amende sera portée à 1500 euros en cas de récidive, et une peine de 6 mois de prison pourra même être appliquée dans le cas où le contrevenant se verrait contrôlé trois fois sans son masque en moins d'un mois. 

Les autorités arrivent-elles tard avec cette mesure ? C'est ce que pensent certains chercheurs comme Catherine Hill, épidémiologiste à l'institut Gustave Roussy de Villejuif, dans le Val-de-Marne, interviewée par Franceinfo. Selon elle, la France aurait dû imposer le port du masque «avant» la fin du confinement. Interrogée sur la raison de cette obligation imposée seulement maintenant, Catherine Hill répond qu'il faut le demander aux autorités. «Je ne sais pas, ils comprennent lentement», avance-t-elle.

Alors comment la position du gouvernement concernant le port du masque a-t-elle évolué durant l'épidémie ? Le fait est que la politique en la matière n'a pas toujours été aussi drastique, loin de là.

Masque jugé «inutile»  

Au cours des premiers jours du confinement, son port avait même été jugé «inutile» pour le grand public. 

Ainsi le ministre de la Santé Olivier Véran a assuré le 4 mars que «l'usage des masques est inutile» en dehors des règles d'utilisation définies.

«C'est vraiment une denrée rare, une ressource précieuse pour les soignants, et totalement inutile pour toute personne dans la rue», avait déclaré le directeur général de la Santé Jérôme Salomon le 18 mars, au lendemain du début du confinement.

Un discours appuyé par la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, qui affirmait le 20 mars au sujet du port du masque pour le grand public : «Vous savez quoi, moi je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire : je suis ministre, je mets un masque. Mais en fait, je ne sais pas l'utiliser».

Volte-face et masques «grand public»

Au fil des semaines, le discours a changé, renforcé par le fait qu'une part significative des personnes contaminées développent peu, voire aucun symptôme.

Malgré les commandes de milliards de masques chirurgicaux à l'étranger, il y a toujours des tensions sur ce produit convoité, tant les stocks ont été négligés en amont de la crise.

Fin mars, le gouvernement met en avant la production de masques alternatifs, en tissu. Un guide de l'association de normalisation AFNOR liste les exigences minimales de confection et d'usage de ces masques grand public, guide à destination des entreprises textiles mais aussi des particuliers qui peuvent les fabriquer eux-mêmes.

Le 28 avril, les nouvelles consignes du déconfinement tombent : le masque sera obligatoire dès le 11 mai dans les transports en commun ou les collèges, et recommandé dans les commerces.

«Les scientifiques ont eux-mêmes évolué», et jugent maintenant le port du masque «préférable dans de nombreuses circonstances», justifie alors le Premier ministre Edouard Philippe.

Inquiétudes et obligation élargie

Début juillet, alors que plusieurs pays, comme la Belgique et le Royaume-Uni, ont décidé d'élargir le port obligatoire du masque, les appels à faire de même en France se multiplient face au relâchement observé chez les Français.

Dans ce contexte, notant que l'épidémie était dans une phase de rebond, Emmanuel Macron a finalement annoncé le 14 juillet que les masques deviendraient obligatoires.

«Mettez des masques !», avait alors lancé le président, le recommandant aussi à l'extérieur lorsque la distanciation n'est pas possible. 

Alors que le gouvernement a été très critiqué pour l'absence de stock stratégique suffisant, la nouvelle consigne est désormais de «décentraliser», selon le ministre de la Santé Olivier Véran. Avec notamment des stocks de 10 semaines dans les entreprises pour protéger les salariés.

Il est difficile aujourd'hui de connaître le nombre de masques chirurgicaux et grands publics disponibles en France, entre les stocks accumulés par les entreprises ou la grande distribution.

Selon Bercy, la production de masques chirurgicaux en France était de 20 millions par semaine fin mai, avec un objectif d'environ 60 millions d'ici fin septembre ou début octobre, contre 3,5 millions avant la crise. 

Un chiffre auquel il faut ajouter les importations et les masques en tissu.

Les quelque 400 entreprises textiles françaises qui s'étaient lancées dans la fabrication de masques grand public pour pallier la pénurie se sont retrouvées avec des invendus conséquents en juin, de 40 millions de masques. 

Des conséquences judiciaires ? 

Le 8 juin dernier, le procureur de Paris Rémy Heitz a annoncé l'ouverture d'une vaste enquête préliminaire portant sur la gestion de la crise sanitaire du coronavirus en France. 

Cette enquête constitue une réponse aux quelques 62 plaintes ou signalements reçus par le parquet de Paris pendant le confinement.

Le procureur a précisé que cette vaste enquête aurait pour objectif de «mettre au jour d'éventuelles infractions pénales» des décideurs, mais pas de «définir des responsabilités politiques ou administratives». C'est désormais à la Cour de Justice de la République de s'en charger. 

Neuf plaintes déposées auprès de cette institution judiciaire visant Agnès Buzyn, Edouard Philippe et Olivier Véran ont d'ores et déjà été jugées recevables. 

Les plaignants dénonçaient, selon les cas, des faits de «mise en danger de la vie d'autrui», «homicide involontaire», «non-assistance à personne en danger» ou «abstention volontaire de combattre un sinistre».