France

Darmanin, Nunez, Bousquet de Florian : que retenir du mercato sécuritaire du remaniement ?

Des préfets, des énarques, de la fermeté et un accent marqué sur la lutte contre les séparatismes et le terrorisme... à quoi le gouvernement se prépare-t-il pour les derniers mois de mandat d'Emmanuel Macron ?

A la faveur du remaniement amorcé par l'exécutif au début du mois de juillet, Christophe Castaner a finalement été exfiltré de la place Beauvau. Des informations avaient filtré en ce sens quelques jours auparavant et la détérioration du lien entre la base des forces de sécurité intérieure et leur ministre de tutelle était telle que son maintien semblait peu probable.

En revanche, la question n'avait pas été tranchée de savoir ce qu'il adviendrait du maroquin de secrétaire d'Etat à l'Intérieur qu'occupait Laurent Nunez, souvent considéré comme le bras droit du ministre.

Le secrétaire d'Etat : un partenaire embarrassant ?

Mais avec l'arrivée de Marlène Schiappa à Beauvau en tant que ministre de la Citoyenneté en plus de Gérald Darmanin dans le fauteuil de ministre de l'Intérieur, restait-il encore assez de place pour un secrétaire d'Etat ?

Apparemment non. Dont acte : Pierre de Bousquet de Florian a été débauché de son poste de coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme pour venir seconder Gérald Darmanin au poste de chef de cabinet, avec une autre tête connue de l'Elysée en tant qu'adjoint, François-Xavier Lauch, belle prise de guerre pour Gérald Darmanin ou œil de l'Elysée qui aurait traversé la rue ? Quoi qu'il en soit, toujours pas de secrétaire d'Etat pour venir damer le pion au ministre de tutelle.

Laurent Nunez, préfet brièvement passé par la Direction générale de la sécurité intérieure de juin 2017 à octobre 2018, après une carrière qui l'a notamment mené au poste de numéro 2 de la préfecture de police de Paris, va quant à lui remplacer l'énarque et également préfet Bousquet de Florian au poste que ce dernier a quitté : coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Une «promotion» selon certains observateurs, tels que Louis de Raguenel, journaliste à Valeurs actuelles.

Selon les informations d'Aziz Zemouri, journaliste au Point, Marlène Schiappa s'est également trouvé un nouveau directeur de cabinet en la personne de Frédéric Rose, il sera également directeur de cabinet adjoint de Gérald Darmanin selon cette même source. Le Point précise que ce préfet dirigeait le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation où ont été forgées les mesures du gouvernement contre le «séparatisme».

Moins de maintien de l'ordre, davantage de contre-terrorisme et de renseignement ?

Deux analyses peuvent éventuellement être tirées de ces remaniements de cabinet : premièrement, Gérald Darmanin n'entend peut-être pas être le nouveau Christophe Castaner, un ministre a minima, considéré comme diminué par la situation de tandem avec un techno comme Laurent Nunez.

D'autre part, par les choix qui ont été faits de mettre l'accent sur les questions du terrorisme et du séparatisme, notamment en nommant le patron du contre-terrorisme français au côté de Gérald Darmanin, la France s'apprête peut-être moins à affronter les colères sociales engendrées par des réformes, comme ce fut le cas lors de la première partie du mandat d'Emmanuel Macron, que le terrorisme islamiste.

Les luttes sociales seront peut-être plus du ressort de la Direction générale de la police nationale (DGPN) qui a également connu une récente cure de jouvence avec l'arrivée d'un nouveau directeur général en février 2020, en la personne de Frédéric Veaux. Ce dernier a été rejoint dans son cabinet par deux profils considérés comme solides : Jérôme Leonnet, ancien directeur du service central du renseignement territorial et la commissaire divisionnaire Céline Berthon, ancienne patronne du syndicat des commissaires SCPN.

Alors que les forces de sécurité intérieure, et surtout la police nationale, arrivent justement à un tournant de leur histoire, après un long mois de colère de la base, mais aussi avec un nouveau schéma national du maintien de l'ordre et un livre blanc de la sécurité intérieure que Christophe Castaner et Laurent Nunez ont laissé en chantier, de grandes attentes se sont faites sentir de la part des Français, comme des fonctionnaires, au sujet de la sentiment de sécurité et même des techniques d'intervention... Le vent du changement souffle sur les questions sécuritaires de l'Hexagone.

Si une partie des citoyens s'inquiète de la violence, visiblement croissante, de la délinquance, avec des faits-divers tragiques très marquants (une gendarme tuée dans le Lot-et-Garonne, un chauffeur de bus battu à mort à Bayonne et un pompier blessé par balles à Etampes), le message envoyé par les prises de parole du Premier ministre et par ces nouvelles nominations est celui de la fermeté, de la prévoyance et de la réplique judiciaire face à la délinquance... Il reste à savoir si les actes suivront les paroles et si l'avocat Eric Dupond-Moretti sera sur la même ligne que Gérald Darmanin et Jean Castex à cet égard.

Quant à Christophe Castaner, selon le Canard enchaîné, «le président [lui] a fait plusieurs propositions, mais pour l'heure, [il a] surtout envie de faire une pause.» 

Antoine Boitel