France

Convention sur le climat : Emmanuel Macron ne convainc pas les écologistes

Des personnalités d'EELV et des ONG ont sévèrement jugé les réponses d'Emmanuel Macron aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Il lui est reproché notamment le refus de taxer les dividendes pour financer la transition écologique.

Les déclarations d'Emmanuel Macron, à l'occasion de la réception, le 29 juin à l'Elysée, des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), n'ont guère convaincu auprès des écologistes du parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et des ONG de défense de l'environnement. Il est notamment reproché au chef d'Etat de ne pas avoir endossé la totalité des propositions émises par la CCC (il en a rejeté trois), tout comme son discours jugé creux, qui ne s'attaquerait pas aux vrais enjeux écologiques.

«Le monde d'après peu encore attendre», «entêtement aveugle»... les Verts taclent Macron

La députée européenne d'EELV, Karima Delli, a ciblé le rejet par Emmanuel Macron de la proposition de la CCC  de taxer à hauteur de 4% les dividendes, le chef d'Etat estimant qu'elle risquerait de «décourager l'investissement». «Macron refuse de taxer les dividendes pour préserver le climat et appliquer la justice fiscale : les masques tombent déjà, les belles paroles sont là, les actes sont déjà absents. Le monde d'après peu encore attendre après-demain», a-t-elle lancé sur Twitter.

L'eurodéputé du même parti Marie Toussaint a dénoncé sur Twitter une absence de changement de paradigme productiviste et libéral de la part du président : «L'entêtement aveugle du président, son attachement à une croissance infinie dans un monde fini, rend impossible toute réelle transition écologique et solidaire et montre à quel point l'idéologie libérale va continuer à détruire le vivant, dont nous».

La sénatrice EELV de Paris, Esther Benbassa, estime que le discours du locataire de l'Elysée était très largement insuffisant, avant de lister plusieurs mesures écologiques nécessaires, selon elle, et pourtant absentes. «[Le président] dit oui au référendum mais en 2021. Il n'a pas parlé des phytosanitaires, donc de l'arrêt de l'utilisation des pesticides, il n'a pas parlé de la réforme agricole [...], il n'a pas parlé de l'alimentation. C'était un tour d'horizon. On aimerait bien qu'il réalise tout ça», a-t-elle exprimé sur CNews.

Le secrétaire national EELV Julien Bayou a lui  reproché au chef de l'Etat de reporter au lendemain des mesures écologiques qui, selon lui, seraient applicables dès à présent : «Nouveau discours vert du Président Macron. Ce que la Convention citoyenne a démontré, c'est que nous devons aller beaucoup plus loin. Alors pourquoi tout le concret, hors moratoire centres commerciaux, est renvoyé à plus tard ? Avec le "en même temps", la France perd du temps.»

La porte-parole d'EELV, Eva Sas, s'est elle aussi indignée à l'AFP, de l'opposition d'Emmanuel Macron concernant trois des 149 propositions : «Des propositions n'ont pas été retenues alors qu'il avait dit qu'il transférerait les propositions sans filtre. On trouve étonnant qu'il écarte la taxe sur les dividendes. Ça confirme qu'il n'a pas pris la dimension de la cohérence du projet écologique qui s'attaque aussi aux superprofits. Il écarte d'emblée les 110 km/h alors qu'on peut l'accompagner de mesures d'acceptabilité comme la baisse de péage.»

Hors d'EELV, le député du groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS), Matthieu Orphelin, ancien membre de LREM et proche de l'ancien ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot, s'est montré plus enthousiaste vis-à-vis du discours du président français mais attend néanmoins son passage à l'action. «C'est peut-être, avec ce discours [...] le début d'un vrai virage écologique pour le président de la République et le gouvernement. Tant mieux ! Tout dépend maintenant de la traduction par les actes, dans la loi, dès la fin de l’été. Alors, après la délibération citoyenne : aux actes, politiques», a-t-il déclaré sur Twitter.

Enfin, la directrice de la Fondation européenne pour le climat (ECF), Laurence Tubiana, a confié à l'AFP qu'elle attendait elle aussi que ces propositions soient appliquées par les autorités françaises avant de se réjouir : «Le président a su répondre rapidement aux 150 citoyens de la convention, avec des engagements. Tant que les lois ne seront pas votées, les décrets appliqués, l’exercice ne sera pas achevé. Le plan de relance attendu à la rentrée sera un véritable test de la volonté – et de la capacité – du gouvernement et de sa majorité parlementaire à accélérer la transition, comme le demandent les Français.»

Les ONG écologistes sceptiques voire critiques face au discours du président

Plusieurs grandes ONG écologistes se sont également  montrées sceptiques voire critiques après les réponses d'Emmanuel Macron aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Loin de «l'ambition écologique» affichée par le président, Greenpeace estime par exemple que le chef d'Etat «dilue les mesures de la CCC» et que «malgré un énième discours emballé sur l'écologie, le flou persiste sur les suites concrètes qui seront données». Greenpeace fustige en outre le rejet présidentiel de la taxation des dividendes pour financer la transition écologique, qui montre selon elle les «limites de la volonté politique d'Emmanuel Macron : prétendre changer de modèle productif sans transformer notre système économique est une douce illusion».

Le Réseau action climat (RAC), regroupement d'ONG, regrette de son côté «un virage écologique et social annoncé, mais déjà amputé», estimant que des mesures auraient pu trouver place dès le budget rectificatif actuellement en discussion au Parlement. Outre les trois mesures rejetées par le président, le RAC pointe aussi celles qu'il souhaite reprendre sans aller aussi loin que le proposait la CCC, comme le caractère obligatoire de la rénovation thermique des bâtiments.

Pour les Amis de la Terre, si «l'écologie a fait indéniablement du chemin dans la ligne politique et économique du gouvernement, le discours démontre la limite majeure du projet politique d'Emmanuel Macron», en raison d'une «ligne économique inchangée et incompatible avec la lutte contre le changement climatique». Et l'ONG de regretter notamment elle aussi le rejet de la taxe de 4% sur les dividendes.

La Fondation Nicolas Hulot (FNH) «salue l'intention», mais «sera vigilante» pour que les propositions «ne soient ni diluées ni affaiblies». L'organisation de l'ancien ministre de l'Ecologie, qui avait claqué la porte du gouvernement fin août 2018, se demande si «cette fois, Emmanuel Macron est prêt à réellement transformer ses paroles en actes», et estime que les discussions en cours sur le budget rectificatif «apporteront les premiers éléments de réponse». «De nombreuses propositions des 150 sont déjà portées par des parlementaires dans le [budget rectificatif] en cours de discussion, et ont été rejetées par la majorité en commission, comme le malus poids qui vise à sanctionner les véhicules les plus lourds ou les aides à la rénovation des bâtiments des collectivités territoriales», souligne la FNH.

Enfin, le mouvement altermondialiste Attac estime qu'Emmanuel Macron «semble avoir donné des gages de sa bonne volonté» sur certaines mesures comme l'artificialisation des terres, mais s'inquiète de voir un «premier filtre politique et idéologique opérer». Attac craint également que «les mesures de la CCC perdent toute cohérence après avoir été revisitées par ce gouvernement qui a démontré son allégeance aux lobbies et aux catégories les plus riches».

Les trois mesures rejetées par Emmanuel Macron parmi les 149 proposées par le CCC. sont : la taxe de 4% sur les dividendes, qui risquerait selon lui de «décourager l'investissement» ; la réécriture du préambule de la Constitution en plaçant l'environnement au-dessus des autres valeurs fondamentales de la République ; les 110 km/h sur les autoroutes. Le chef de l'Etat a déclaré qu'il comptait transmettre au gouvernement ou au Parlement, ou encore soumettre à référendum «la totalité» des propositions restantes, parmi lesquelles l'introduction des notions de biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution, et un moratoire sur les nouvelles zones commerciales dans la périphérie des villes. Il a également annoncé que 15 milliards d’euros supplémentaires sur deux ans seraient injectés pour la «conversion écologique» de l'économie».