France

Le rassemblement Floyd/Traoré, une différence de traitement avec les Gilets jaunes ?

Plusieurs personnalités de droite, principalement du RN, ont opéré un parallèle entre le traitement réservé par les autorités à la manifestation interdite contre les violences policières par rapport à la répression contre les Gilets jaunes.

L'argument avait déjà été avancé deux jours plus tôt, souvent par les mêmes, au sujet de la manifestation en soutien aux migrants et aux sans-papiers. Outrés par l'ampleur, malgré son interdiction formelle par la préfecture de Paris, de la manifestation contre les violences policières organisée par le collectif «Vérité Pour Adama [Traoré]», plusieurs personnalités de droite, principalement du Rassemblement national (RN), se sont indignées du laxisme supposé des autorités vis-à-vis des manifestants, comparé au traitement réservé aux Gilets jaunes. 

«Dans l’impunité la plus totale, tout ce que la capitale compte de gauchistes et de communautaristes hurle sa haine de la police »

«Dans l’impunité la plus totale, tout ce que la capitale compte de gauchistes et de communautaristes hurle sa haine de la police !», s'est ainsi agacé l'eurodéputé RN Jerome Rivière. «Que fait l’Etat, pourtant si performant dans la répression des Gilets Jaunes ?», a interrogé plus loin l'élu.

Le cadre du parti de Marine Le Pen Jean Messiha a lui aussi réagi, émettant un parallèle avec la manifestation de migrants et sans papiers qui s'est tenue quelques jours plus tôt : «Comme ce sont majoritairement des immigrés, toute intervention pour donner force à la loi est considérée comme nazie. C’est pas les Gilets jaunes hein ?», a-t-il déclaré. 

Hors du parti, le même type d'argument a été agité par l'ancien militant identitaire Damien Rieu : «Si c’étaient des gilets jaunes ils auraient eu le droit au canon à eau, aux LBD, aux motos Brav-M, aux petites phrases haineuses de Castaner et Lallement», a-t-il déclaré.

Même son de cloche chez le professeur d'histoire et chroniqueur Kevin Bossuet :«Alors que la France a interdit dans l'espace public les rassemblements de plus de 10 personnes, on ne peut qu'être étonné de la mollesse avec laquelle le préfet [Didier] Lallement et [le ministre de l'Intérieur Christophe] Castaner gèrent cette manifestation. Imaginez si ça avait été des Gilets Jaunes ?», a-t-il estimé. 

Ce qui est aussi inacceptable, c'est que certains du comité de soutien à la mémoire d'Adama Traoré veulent établir un lien entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis et ce qui, soi-disant, se serait passé, il y a quatre ans, ici en France

Hors commentateurs politisés, la différence de traitement avec les Gilets jaunes a été reconnue par Jean-Pierre Colombies, ancien commandant de police et porte-parole de l'association UPNI (Union des policiers nationaux indépendants). 

«Nos forces de sécurité sont plus dans la retenue quand il s'agit de jeunes de banlieue, plutôt que lorsqu'ils sont mis en face de Gilets jaunes, cela n'aura échappé à personne», a-t-il déclaré auprès de RT France. La raison pour l'ancien policier est liée aux revendications des Gilets jaunes qui se situaient selon-lui «dans une mise en cause du système, tandis que les individus qu'on voyait défiler hier font intégralement partie de ce système». 

Nos forces de sécurité sont plus dans la retenue quand il s'agit de jeunes de banlieue, plutôt que lorsqu'ils sont mis en face de Gilets jaunes, cela n'aura échappé à personne

«Là où les Gilets jaunes portaient de nombreuses revendications sociales mais n'étaient pas très organisés (contrairement aux Black blocs), les collectifs du style Adama dénoncent uniquement ce qu'ils imaginent constituer un Etat policier et raciste. C'est leur seul motif de manifestation. Mais je le répète, cette police n'est pas raciste et la situation sociale est très différente de celle des Etats-Unis, les assimiler est une vue de l'esprit. Alors évidemment, les collectifs anti-police sont moins dangereux pour l'Etat, on les laisse casser quelques éléments de mobilier urbain, on les disperse dans le calme», a-t-il déclaré. 

Alors évidemment, les collectifs anti-police sont moins dangereux pour l'Etat

Côté Les Républicains, l'accent a été plus volontiers mis sur le danger sanitaire représenté par ce rassemblement massif alors que la crise du Covid-19 n'est pas résolue en Ile-de-France : «C'est inadmissible parce que je vous rappelle qu'on est toujours sous le coup de l'état d'urgence sanitaire et que normalement les rassemblements de plus dix personnes sont interdit», s'est indigné le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau sur CNews.

«Ce qui est aussi inacceptable, c'est que certains du comité de soutien à la mémoire d'Adama Traoré veulent établir un lien entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis et ce qui, soi-disant, se serait passé, il y a quatre ans, ici en France», a-t-il ajouté à propos des accusations de violences policières.

«Une telle manifestation, en plein état d'urgence, c'est bafouer la loi», a aussi dénoncé le président LR du Sénat Gérard Larcher sur RTL.

Dix-huit personnes ont été interpellées au cours des incidents survenus à la fin du rassemblement, qui a réuni quelque 20 000 participants venus s'agglutiner de façon chaotique sur le parvis du tribunal de grande instance de Paris (XVIIe arrondissement) à l'appel de la famille d'Adama Traoré, mort en 2016 après une interpellation à Beaumont-sur-Oise. Cette manifestation, organisée en premier lieu pour contester une expertise médicales disculpant les gendarmes impliqués dans l'affaire, a pris une autre résonance, se faisant l'écho des revendications des manifestants américains à la suite de la mort de Georges Floyd.