France

Esclavage : deux statues de l'abolitionniste Victor Schœlcher déboulonnées en Martinique

Sur l'île de la Martinique, des individus ont détruit deux statues de Victor Schœlcher, un des grand acteurs du mouvement abolitionniste. Emmanuel Macron a condamné des actes qui «salissent» la mémoire de l'ancien député et de la République.

Deux statues de Victor Schœlcher – homme politique français du XIXème siècle ayant contribué à l’abolition définitive de l’esclavage en France – ont été déboulonnées à la Martinique le 23 mai, le jour même où l'île commémorait cette décision historique. Selon la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, ces monuments en hommage à l’ancien député se trouvaient à Fort-de-France et dans la ville de Schœlcher, située dans le centre de l’île.

Une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux ce 23 mai dans la matinée a capté le moment où les assaillants font tomber une des statues. Une sangle est accrochée autour de la tête de l’œuvre tandis que plusieurs personnes tirent pour la faire tomber. Après la chute de la statue, une quinzaine de personnes accourt pour la piétiner. L’un d'entre eux est même muni de ce qui ressemble à une masse.

Relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo de la chute de ces statues, réalisée par des activistes qui se présentent comme anti-béké (un béké étant considéré comme un descendant des premiers colons européens) et hostiles à l'héritage colonial, a provoqué une vague d'indignation.

«En abolissant l'esclavage il y a 172 ans, Victor Schœlcher a fait la grandeur de la France. Je condamne avec fermeté les actes qui, perpétrés hier en Martinique, salissent sa mémoire et celle de la République», a notamment réagi le président de la République, Emmanuel Macron, sur Twitter.

La LICRA a elle commenté : «Cette profanation de la mémoire de Victor Schoelcher est impardonnable. Mais que les délinquants qui ont commis cet outrage sachent que la mémoire est dans les consciences et dans les cœurs. Elle est indestructible et vivace. Ils détruisent une statue, nous en érigerons cent !»

Une jeune femme soupçonnée d'avoir participé à l'action a été placée en garde à vue et, à son issue, celle-ci a été convoquée au tribunal le 9 juillet, selon son avocat Dominique Monotuka. 

«Schoelcher n’est pas notre sauveur», ont écrit dans un communiqué les manifestants. Ils ont d'ailleurs demandé que la bibliothèque et la ville qui portent le nom de Schoelcher soient renommées au bénéfice d’acteurs locaux de l’abolition de l’esclavage et de «l'émancipation des Noirs». Dans un communiqué, le maire de Fort-de-France, Didier Laguerre, a condamné «avec la plus grande fermeté» la destruction de ces statues et appelé à «ne pas céder à la tentation de réécrire l’histoire».

Rédacteur du décret de la seconde abolition de l’esclavage en France, ratifié le 27 avril 1848, Victor Schœlcher est né à Paris en 1804. Après plusieurs voyages sur le continent américain, il revient en France et publie en 1833 l’ouvrage De l'esclavage des Noirs et de la législation coloniale, déjà résolument abolitionniste. Il sera plus tard élu plusieurs fois député de la Guadeloupe et de la Martinique entre 1848 et 1851 puis député de la Martinique entre 1871 et 1875. Il finira sa carrière politique au Sénat jusqu’à sa mort en 1893. Il est l’une des grandes figures du mouvement abolitionniste en France à l’instar de Jean-Baptiste Belley ou de Toussaint Louverture.