L'Elysée a réagi le 14 mai aux propos de la direction de la multinationale pharmaceutique Sanofi, basée en France, qui a déclaré que les Etats-Unis seraient les premiers servis en cas de découverte d'un vaccin contre le coronavirus.
Les efforts déployés ces derniers mois montrent qu'il est nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché
Les propos du groupe «ont ému tous ceux qui travaillent [à lutter contre le virus], dont le président», a indiqué l'Elysée. «Les efforts déployés ces derniers mois montrent qu'il est nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché», a ajouté la présidence. En insistant sur l'importance de maintenir «les efforts considérables, multiples, pour arriver à construire autour d'acteurs multilatéraux, une réponse collective et coordonnée» face à la pandémie.
L'Elysée a précisé qu'Emmanuel Macron recevrait des dirigeants de Sanofi en début de semaine prochaine pour en discuter. «Il est important de continuer d'avancer avec Sanofi», selon la présidence.
Le 13 mai dans un entretien à l'agence Bloomberg, le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, avait fait savoir qu'en conséquence d'une prise de risque financière des Etats-Unis auprès du laboratoire, Washington aurait «le droit aux plus grosses précommandes» et pourrait ainsi bénéficier d'une avance de plusieurs jours ou semaines sur le reste du monde.
«L’égal accès de tous au vaccin n’est pas négociable», a écrit en réaction le Premier ministre Edouard Philippe, déclarant l'avoir rappelé «à Serge Weinberg qui préside Sanofi, cette grande entreprise profondément française». «Il m’a donné toutes les assurances nécessaires quant à la distribution en France d’un éventuel vaccin Sanofi», a-t-il précisé.
Un «bien d'utilité publique» pour la Commission européenne
«Le vaccin contre le Covid-19 doit être un bien d'utilité publique et son accès doit être équitable et universel», a déclaré un porte-parole de la Commission, Stefan de Keersmaecker. «Pour nous, il est très important, dans la mesure où le virus est un virus mondial, de travailler (sur cette question) mondialement», a-t-il insisté.
Il y a des nationalisations qui se perdent
Dans le paysage politique français, la sortie du PDG n'est pas non plus passée inaperçue, la gauche évoquant même le mot «nationalisation».
«Parce que la santé est un bien commun à soustraire aux jeux du marché, aucune entreprise française ne doit pouvoir jouer contre notre propre souveraineté sanitaire sans s'exposer à une nationalisation», a déclaré le Parti socialiste dans un communiqué.
«Il y a des nationalisations qui se perdent», a estimé pour sa part l'eurodéputée insoumise Manon Aubry sur Twitter. Scandalisé par le comportement de la multinationale, qui a bénéficié de crédits d'impôts en France, son collègue député Bastien Lachaut a quant à lui comparé Sanofi à Renault, nationalisé en 1945 pour collaboration avec l'occupant nazi.
«Honte ! Sanofi a touché [plus] de 1,5 milliards de CIR [Crédit d'impôt recherche] en 10 ans, des centaines de millions de CICE [Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi] ! Il faut en finir avec les patrons voyous de Big Pharma et créer un pôle public du médicament. On a bien nationalisé Renault pour trahison et collaboration en 1945», a-t-il écrit sur le réseau social.
Voilà où nous mènent l'UE qui interdit le patriotisme économique et nos dirigeants mondialistes
A droite, l'ancien ministre de la Santé et désormais président de région Les Républicain Xavier Bertrand s'est lui aussi indigné : «Il est impensable qu’une entreprise qui a son siège en France et qui bénéficie de crédits d’impôts recherche délivre un vaccin aux Etats-Unis avant nous».
Le maire de Béziers, Robert Ménard, assimilé Rassemblement national, a estimé dans la même veine, au regard des aides dont a bénéficié l'entreprise, que la France ne «peut pas accepter ce véritable bras d'honneur».
«Voilà où nous mènent l'UE qui interdit le patriotisme économique et nos dirigeants mondialistes qui communiquent sur la souveraineté sans agir», a déclaré pour sa part le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan.
Sanofi a rapidement rectifié les propos de Paul Hudson dans un communiqué : «Nous nous sommes toujours engagés à ce que dans ces circonstances sans précédent, notre vaccin soit accessible à tous».
«Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l'UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin», a lui déclaré le président de Sanofi France, Olivier Bogillot, qui a rappelé que les Etats-Unis s'étaient engagés à investir «plusieurs centaines de millions d'euros» dans les recherches du laboratoire.