France

Covid-19 : l'institut Pasteur évoque «une circulation locale silencieuse du virus avant la vague»

L'Institut Pasteur évoque l'existence de multiples introductions du Covid-19 en France. Une des souches à partir desquelles s'est propagé le virus aurait pu circuler dans l'Hexagone avant les premières infections détectées.

L'Institut Pasteur a publié le 28 avril sur son site le résumé d'une récente étude sur la circulation initiale en France du nouveau coronavirus. Entre autres éléments avancés dans ce document, il est expliqué que, d'après de premières constatations, «la propagation du virus en France est associée à des cas asymptomatiques» et qu'il existe de multiples introductions du virus sur le territoire. En outre, l'institut Pasteur fait part d'une potentielle «circulation locale silencieuse du virus avant la vague de cas de Covid-19».

Le rapport en question évoque, en effet, des données selon lesquelles il pourrait avoir existé en France des infections asymptomatiques au coronavirus «non documentées», «antérieures à la vague de cas de Covid-19». De fait, une des souches du virus, à l'origine pour l'instant inconnue, pourrait avoir largement participé à propager l'épidémie en France.

«Le virus ne viendrait pas directement de Chine»

Répondant à RT France, Yvon Le Flohic, médecin généraliste et épidémiologiste, chargé de la veille scientifique durant la grippe H1N1 en 2009 par les URPS de Bretagne, explique : «Quand on séquence le virus, on peut voir tout son ARN [un acide]. C'est sa signature. Tous les 18 jours, il va avoir une petite mutation qui ne change pas ses caractéristiques et notamment sa dangerosité, mais toutes ces mutations sont transmises aux descendants de ce virus et donc cela permet de remonter l'origine du virus jusqu'à savoir d'où il vient.» 

Le rapport de l'institut Pasteur interroge donc quant à l'origine directe de l'épidémie sur le sol français. En fait, celle-ci pourrait avoir une origine multiple et ne pas venir directement de Chine. «On n'a peut-être pas eu d'importation directe de Chine, c'est ce qui se dessine», relève le docteur Le Flohic qui a consulté de nombreuses études scientifiques sur l'origine de l'épidémie, dont celle de l'institut Pasteur. «On a eu des importations qui venaient d'autres parties du monde. L'importation en France viendrait notamment d'Italie et d'Autriche», poursuit-il. Mais pour cet épidémiologiste, «on n'a pas identifié le patient zéro français et il semble y en avoir plusieurs. Il y a donc diverses importations du virus en France et sa filiation montre une origine incertaine», explique-t-il. En résumé, l'étude de l'institut Pasteur ouvre de nouvelles pistes sur les origines multiples d'importation du virus en France. Yvon Le Flohic rappelle à cet égard que «les Etats-Unis ou l'Afrique sont aussi dans une situation de multi-imports concernant ce virus».

Ce multi-import ne remet pas en cause la provenance chinoise du virus

Cette récente étude de l'institut Pasteur s'inscrit dans les démarches de recherche des origines du coronavirus sur le territoire de chaque pays. En Italie, le directeur de l’Institut de recherche pharmacologique de Milan faisait état, au mois de mars, de «pneumonie très étranges, très graves, et touchant surtout des patients âgés» qui auraient été détectées par plusieurs médecins dès le mois de novembre dans le nord du pays. Soit deux mois avant l'annonce par la Chine du premier décès lié au nouveau coronavirus.

Dans un entretien accordé au Daily Mail, le professeur italien avait toutefois estimé qu'il n’y avait pas de preuve scientifique suggérant que ce virus était le Covid-19, déclarant, en outre, être certain de l'apparition initiale du nouveau coronavirus en Chine.

Le fait que la souche soit d'origine chinoise ou autres ne change rien à la lutte contre l'épidémie aujourd'hui

Même constat pour Yvon Le Flohic qui explique que «les éléments phylogénétique ou génomiques tracent l'origine première du virus en Chine, il n'y a pas trop de doutes là-dessus». Cependant, il explique que «la souche majoritaire en Chine ne correspond à l'importation qu'on a eu en Europe mais on la retrouve de façon très ponctuelle en Chine, loin d'être majoritaire là-bas, ce qui a un peu perturbé toute la communauté scientifique».

Mais en tout état de cause, pour ce docteur, «le fait que la souche soit d'origine chinoise ou autres ne change rien à la lutte contre l'épidémie aujourd'hui». En revanche, de son point de vue, l'étude de l'institut Pasteur a un intérêt en termes de prévention et d'anticipation «pour comprendre la cinétique mondiale» du virus, c'est-à-dire la manière dont l'épidémie se propage. «Cela permet de comprendre comment toute une nation peut être contaminée : si un pays a 20 sources de contaminations différentes, cela appellera à mettre en place des mesures sanitaires qui ne seraient peut-être pas les mêmes que si l'on voit qu'un seul individu arrive à contaminer tout un pays», détaille l'épidémiologiste. «Ces éléments pourraient donc être utiles en cas de nouvelle crise dans le futur ou si d'autres pays venaient à être massivement contaminés alors que la France ne serait plus dans cette situation», conclut-t-il.

La propagation du nouveau coronavirus a donné lieu à une crise sanitaire mondiale qui continue d'éprouver les systèmes de santé à travers la planète et pousse nombre de pays à prendre des mesures inédites à tous niveaux. Pour l'heure, le bilan de la pandémie est de plus de 240 000 morts recensés à travers le monde.