France

Ni masques, ni gel pour les avocats : le Conseil d'Etat, «plus un contre-pouvoir» ?

L'Etat ne sera pas contraint de fournir du matériel de protection contre le Covid-19 aux avocats. Une décision du Conseil d'Etat vient de le confirmer, en rejetant un recours des barreaux de Marseille et de Paris.

Le Conseil d'Etat a rejeté le 20 avril un recours des barreaux de Marseille et Paris, qui demandaient à l'Etat de fournir aux avocats du matériel de protection contre le coronavirus, notamment lors des gardes à vue et des audiences en comparution immédiate. La plus haute juridiction administrative n'a pas relevé de «carence portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales». 

Sur RT France, Caroline Mecary, avocate au barreau de Paris, a jugé cette décision «consternante», déplorant que le Conseil d'Etat se conduise en «auxiliaire des carences de l'Etat». De son point de vue, «il est évident que le Conseil d'Etat aujourd'hui n'est plus le contre-pouvoir que l'on pouvait attendre de sa part».

Dans sa décision consultée par l'AFP, le Conseil d'Etat met en avant que «les règles de la procédure civile et de la procédure pénale ont été adaptées pour limiter, autant que faire se peut, les contacts entre les personnes». Il mentionne notamment la possibilité de tenir des audiences à distance ou à huis clos. 

L'Ordre des avocats des barreaux de Marseille et de Paris demandaient «de mettre systématiquement des masques et du gel hydroalcoolique à la disposition des avocats et justiciables» lors des entretiens de garde à vue, des audiences en comparution immédiate et plus généralement «dans toutes les circonstances du fonctionnement du service public de la justice».

Malgré le rejet de la requête, le barreau de Paris a salué la décision du Conseil d'Etat. «Il donne tort au gouvernement qui affirmait qu’exerçant une profession libérale, les avocatsn’avaient rien à attendre de l’Etat pour assurer leur protection sanitaire», a estimé le barreau dans un communiqué. La juridiction administrative relève en effet que «face à un contexte de pénurie persistante de masques disponibles», l'Etat doit d'abord «doter ses agents», les magistrats et les greffiers, de matériel de protection. Mais elle affirme également qu'il appartient à l'Etat «d'aider les avocats» qui, en leur qualité d’auxiliaires de justice, «concourent au service public de la justice», à se procurer du matériel de protection, «en facilitant l'accès des barreaux et des institutions représentatives de la profession aux circuits d'approvisionnement». Pour Caroline Mecary, le Conseil d'Etat ne va pas jusqu'au bout de la logique et se comporte en juge de la pénurie. «Le droit aujourd'hui pour le Conseil d'Etat n'est pas le droit, mais la gestion de la pénurie matérielle des masques et du gel», déplore l'avocate.