France

Traçage et déconfinement : les votes à l'Assemblée nationale auront bien lieu

La pression des élus de l'opposition a porté ses fruits : des votes se tiendront à l'Assemblée nationale à l'issue des débats sur le traçage des données dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19, puis sur le déconfinement progressif du pays.

Sous le feu des critiques des oppositions et des associations de défense des libertés individuelles, le gouvernement a finalement annoncé ce 21 avril que les débats à l'Assemblée nationale sur le traçage numérique des malades et le déconfinement progressif seraient suivis de votes dans l'hémicycle. L'annonce de ces scrutins non-contraignants a été faite en conférence des présidents de l'Assemblée, en application de l'article 50-1 de la Constitution qui permet une déclaration du gouvernement suivie d'un vote.

Des élus de tous les bords politiques étaient en effet montés au créneau ces derniers jours, s'indignant que le gouvernement envisage un débat le 28 avril sans vote sur un sujet aussi sensible que le traçage des données mobiles dans la lutte contre le coronavirus.

Critiquée, même au sein de la majorité présidentielle pour ses risques concernant l'atteinte à la vie privée des utilisateurs, la mise en place du projet de tracking sans vote parlementaire avait largement créé la polémique. Le président des députés LREM Gilles Le Gendre avait suscité des critiques en estimant le 20 avril que le débat était «essentiel» mais que «le vote n'apporterait rien de plus», en raison des règles sanitaires et de la présence d'effectifs «très réduits» à l'Assemblée. «Et pourquoi pas fermer le Parlement et fonder tous ensemble le Macronistan ? Avez-vous perdu la tête ?» s'était insurgée la députée France insoumise Mathilde Panot sur Twitter. En outre, les députés devraient être plus nombreux dans l'hémicycle la semaine prochaine : 75 d'entre eux (contre une vingtaine jusqu'alors) pourront revenir siéger au palais Bourbon, où va s'engager une «reprise progressive». Le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O avait pour sa part fait valoir que l'application de traçage ne serait de toute façon «pas prête pour le 28 et 29 avril», date du débat prévu devant le Sénat, jugeant que la «discussion peut difficilement donner lieu à un vote qui donnerait un oui ou un non sur un élément non finalisé».

L'application «StopCovid» envisagée par l'exécutif doit permettre à l'utilisateur d'être prévenu s'il a croisé une personne contaminée par le virus. Elle fonctionnerait sur la base du volontariat, selon les déclarations gouvernementales. Emmanuel Macron avait annoncé le 13 avril son souhait de voir le Parlement se saisir de cette question polémique, en vue du déconfinement à partir du 11 mai.

Et pour cause, si ses partisans mettent en avant l'efficacité d'un tel dispositif dans la lutte contre la propagation du virus, les opposants au traçage s'inquiètent quant à sa compatibilité avec le respect des libertés individuelles.

Du point de vue de la technologie, c'est Bluetooth qui devrait être utilisé dans le cadre de l'application dédiée, et non les données de géolocalisation. Un argument qui devrait, selon Fabrice Epelboin, spécialiste des médias sociaux et enseignant à Sciences-Po, interrogé début avril par RT France, être brandi comme une garantie de respect de la vie privée. Pourtant, selon l'expert en nouvelles technologies, «la réalité est bien plus complexe et devra être regardée de très près», même si le choix du GPS aurait d'après lui rendu le sujet des données récoltées «bien plus sensible encore».

Une déclaration ayant «vocation à être soutenue»

Se disant «absolument serein» quant au scrutin, Gilles Le Gendre a jugé devant la presse «totalement inimaginable» un vote négatif, soulignant qu'une déclaration portée par le gouvernement «a[vait] vocation à être soutenue» par la majorité. Un point de vue qui n'est pas partagé au sein même du groupe majoritaire, dont un membre, cité par l'AFP prédit que le vote devrait s'avérer «très, très compliqué» au sein des marcheurs. Certains élus sont en effet hostiles au traçage, comme Sacha Houlié, qui a estimé ce 21 avril qu'il était «normal que le Parlement puisse voter».

Pour Damien Abad, président député Les Républicains (LR), le vote est «indispensable sur un sujet aussi sensible pour nos libertés publiques». Il estime en outre qu'il y a bel et bien «un risque de fracturation» de la majorité. Si le scrutin ne sera pas contraignant, il aura néanmoins «une valeur politique forte», selon Damien Abad. En cas de vote majoritairement défavorable au traçage, «je ne vois pas comment [le gouvernement] pourrait passer outre», prédit le député LR. Même approbation quant au scrutin de la part des députés socialistes et communistes. Les premiers n'ont «pas encore pris position», selon leur présidente de groupe Valérie Rabault à l'AFP, mais sont «entre la circonspection et la franche réserve», d'après le député et porte-parole du PS Boris Vallaud. Les communistes se prononceront contre le traçage «sans ambiguïté», selon leur porte-parole à l'Assemblée Sébastien Jumel.

Au Sénat, les modalités du débat n'ont pas encore été fixées. Les socialistes notamment souhaitent regrouper les échanges sur le traçage et le déconfinement, avec un seul vote à leur issue.

Concernant la sortie progressive du confinement, un vote aura bien lieu à l'Assemblée, à une date restant à déterminer, ce que Les Républicains réclamaient notamment. Les élus veulent surtout être associés à la confection du plan de déconfinement, à l'instar des députés PCF qui plaident pour une «co-élaboration démocratique» et «un plan de déconfinement de la démocratie».

Le recours au traçage numérique est déjà à l’œuvre dans divers pays dont Israël, où l’application HaMagen («Bouclier», en français) recoupe les trajets de personnes infectées, sur la base des données fournies par le ministère israélien de la Santé, avec ceux des utilisateurs de l'application. Des moyens plus radicaux ont également été utilisés par l'Etat hébreu, puisque le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a autorisé pour 30 jours l’emploi de méthodes de surveillance drastique des malades infectés ou de ceux qui ont été en contact avec eux, moyens d’ordinaire réservés à la lutte antiterroriste. Ailleurs en Asie, un tel procédé a également été utilisé dans des pays tels que la Corée du Sud