Au cours d'un entretien pour le Financial Times publié ce 16 avril, Emmanuel Macron a estimé qu'il y avait des zones d'ombre dans la gestion de l'épidémie du Covid-19 par la Chine, déclarant qu'il y avait «manifestement des choses qui se sont passées qu'on ne sait pas» : «N'ayons pas une espèce de naïveté qui consiste à dire que [la gestion de l'épidémie par la Chine] c'est beaucoup plus fort. On ne sait pas. Et même, il y a manifestement des choses qui se sont passées qu'on ne sait pas.»
Les réserves du chef de l'Etat sur la gestion de la crise par Pékin rejoignent les doutes exprimés par Londres et Washington. Le Royaume-Uni vient en effet d'avertir la Chine qu'elle devrait répondre à des «questions difficiles sur l'apparition du virus, et pourquoi il n'a pas été stoppé plus tôt». L'administration Trump a de son côté accusé Pékin d'avoir «dissimulé» la gravité de l'épidémie à son début en Chine, et a gelé le 14 avril la contribution financière américaine au fonctionnement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), lui reprochant de s'être alignée sur les positions chinoises.
La Russie est à son tour intervenue ce 16 avril au soir, pour prendre la défense de Pékin. Le président russe Vladimir Poutine a qualifié, au cours d'une conversation avec son homologue chinois Xi Jinping, de «contreproductives» les accusations visant Pékin, soupçonné de désinformation sur le nouveau coronavirus, apparu en Chine.
Pour Emmanuel Macron, l'Union européenne «est à un moment de vérité»
Dans la même interview interview, Emmanuel Macron a aussi évoqué l'avenir de l'Union européenne à l'aune de cette crise. «Nous sommes à un moment de vérité qui consiste à savoir si l'Union européenne est un projet politique ou un projet de marché uniquement. Moi, je pense que c'est un projet politique», a affirmé le président Emmanuel Macron
Dans cet entretien au quotidien britannique, le président français a fait valoir que «quand c'est un projet politique, d'abord, l'humain est au premier chef, et il y a des notions de solidarité qui se jouent, et y compris ensuite l'économique en procède». «N'oublions jamais que l'économie est une science morale», a-t-il ajouté
Selon le chef de l'Etat, un défaut de solidarité favoriserait l'arrivée des populistes au pouvoir : «C'est évident, parce que [les populistes] diront : "Qu'est-ce que c'est que cette aventure [européenne] que vous me proposez ? Ces gens-là ne vous protègent pas quand vous avez une crise, ils ne vous protègent pas le lendemain, ils n'ont aucune solidarité avec vous".»
En poursuivant ce qu'il considère être une paraphrase de la pensée populiste : «Lorsque vous avez les migrants qui arrivent chez vous, ils vous proposent de les garder. Lorsque vous avez l'épidémie qui arrive chez vous, ils vous proposent de la gérer. Ils sont sympathiques, au fond. Ils sont pour l'Europe quand il s'agit d'exporter vers chez vous les biens qu'ils produisent, ils sont pour l'Europe quand il s'agit d'avoir votre main-d'œuvre bon marché et de produire des équipements de voitures qu'on fait plus dans nos pays, mais ils ne sont pas pour l'Europe quand il faut mutualiser.»
Le président français a de nouveau insisté sur le fait que l'abandon des libertés pour lutter contre la maladie constituerait une menace pour les démocraties occidentales. «Ce n'est pas parce qu'il y a une crise sanitaire qu'on doit renoncer à ce qui est notre ADN profond», a-t-il noté, dans une référence transparente au Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui s'est arrogé les pleins pouvoirs dans son pays à la faveur de la crise.