France

Dans le service Covid, Pauline, infirmière, se sent «coupée du monde» 

A 23 ans, Pauline aime danser. Les danses latines, les danses à deux. Mais c’est la valse des malades qui l’occupe chaque jour. Infirmière fraîchement diplômée, rien ne l’avait préparée à la pandémie. Elle nous confie ses peurs et ses espoirs.

Après la première annonce de confinement d’Emmanuel Macron le 16 mars et en quelques jours, Pauline a vu son service des urgences se mettre en ordre de bataille pour accueillir – dans une chorégraphie sans accroc – les malades dans les meilleures conditions. Avec une fraîcheur de jeune diplômé, la sensibilité attendue d’un professionnel de santé, l'infirmière confie se sentir émue devant les gestes de soutien des Français.

Travailler en zone Covid, c'est très dur 

Il n’a fallu que quelques jours à l’hôpital Intercommunal de Créteil (Val-de-Marne) pour réagir. Sitôt le confinement annoncé par le président de la République, l’établissement – qui dispose de plus de 500 lits – a reçu du matériel, modifié la destination de certaines pièces, adapté  ses plannings, et disposé une tente devant le bâtiment pour séparer les urgences en deux files : les Covid et les non-Covid. Et Pauline a constaté la frénésie qui saisissait l’hôpital : «Il a fallu tout réaménager, trouver du matériel. Ça a mis une bonne semaine mais ça a été super rapide.»

La zone Covid, c’est l’urgence dans les urgences. Pour Pauline, «On est coupés du monde. Rien que le fait de porter la combinaison, c’est oppressant». La jeune infirmière n’a, à l'heure de cette conversation, assuré que deux journées de 12 heures de travail dans ces couloirs. Mais ce qu’il l’a frappée, c’est la vitesse à laquelle certains patients «décompensent». Comprendre : leur état s’aggrave très vite, sans prévenir.

Pas préparée à cette épreuve

Avec moins de deux ans d’expérience, Pauline n’est pas sereine et avoue n’avoir pas été préparée à cette épreuve. Elle craint surtout de transmettre le virus à ces proches. Consciente de sa proximité avec le coronavirus, elle s’est résolue à quitter sa mère qui mettait pourtant les petits plats dans les grands pour la soutenir. Un pas de côté indispensable pour la soignante.

Ça nous a énormément soudés

Hébergée donc par une amie, infirmière elle aussi, la vie de Pauline ne lui offrira que peu de distance avec l’hôpital. Auprès de sa camarade de confinement, elle a trouvé un refuge et la solution pour épargner sa famille. La mélodie qui se joue dans son service d’urgences lui revient à l’esprit. Elle s’oublie et  repense à ses collègues. Parmi eux, elle a constaté que la gravité de l’instant a poussé chacun dans ses meilleurs retranchements. Et la solidarité bat son plein au service des urgences de cet hôpital de Créteil.

On fait juste notre métier

En deux semaines, Pauline a réalisé que les urgences de son hôpital n'étaient plus assaillies de petits bobos qui avaient l'habitude de submerger son service. Elle en déduit une prise de conscience de la population pour le désengorgement des hôpitaux qui luttent. Et nourrit l’espoir que cette habitude perdure. De retour chez elle, quand elle entend dans sa résidence résonner les  salves d’applaudissements des balcons, la jeune infirmière ne cache pas son émotion. Tous ces petits gestes, ces attentions ou ces petits plats déposés sur son lieu de travail pourraient lui tirer les larmes. Mais elle reste sereine et parfois surprise : «On fait  juste notre métier.»