France

Les victimes «oubliées» de l'attentat du Bardo envisagent de poursuivre la Tunisie en justice

Un collectif d'avocats envisage une action en justice contre la Tunisie après l'attentat du Bardo. Ils reprochent à la Tunisie un manque de mesures de sécurité, et un manque de considération pour les victimes et leurs proches.

Ce pourrait être un première mondiale. Un collectif d'avocats envisage en effet d'attaquer en justice l'Etat tunisien après les attentats du musée Bardo, survenus le 18 mars dernier. Déjà très touché sur le plan touristique par les attentats du Bardo et de Sousse, l'Etat tunisien est accusé, par les victimes de l'attentat du Bardo (qui a fait 24 morts et 45 blessés, ndlr) et leurs proches, d'avoir négligé la sécurité.

«D'après les témoignages recueillis, il n'y avait que deux gardes pour tout le musée du Bardo», dénonce explique Géraldine Berger-Stenger, membre du collectif qui représente 13 personnes victimes de l'attentat du Bardo. «Dans un climat qui aurait dû conduire à la vigilance, dans un lieu touristique, on peut estimer que la Tunisie a négligé la sécurité des visiteurs du musée

Si une attaque contre l'Etat tunisien est envisagé par le collectif d'avocats, c'est aussi que, pour le moment, la Tunisie n'a pas indemnisé les victimes de cet attentat. Et que les réponses de la Tunisie ne satisfont pas les victimes. «Mon confrère Philippe de Veule avait mis en demeure médiatiquement la Tunisie cet été, et le pays a répondu que si les victimes avaient des reproches à faire à la Tunisie, il fallait saisir les juridictions compétentes», explique Géraldine Berger-Stenger. «C'est donc ce que nous envisageons.»

Cette menace d'une action en justice, qui reste pour l'instant au stade de la menace -«Nous n'avons rien engagé pour le moment, tout dépendra des réponses de la Tunisie»-, a avant tout pour but d'obtenir, pour les victimes, des indemnités légitimes. Car pour le moment, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme (FGTI) ne prévoit que le versement de 30 000 euros pour les familles des victimes décédées. «C'est la même somme que pour un accident de voiture alors que nous ne sommes pas sur le même registre», note explique Géraldine Berger-Stenger. «On souhaite donc désormais, par cette future action, débuter des négociations avec la Tunisie.»

Lors des attentats de Marrakech, au Maroc, un don du roi avait par exemple permis au familles de toucher environ 70 000 euros de la part du Maroc. C'est à ce genre de geste que le collectif d'avocat veut pousser la Tunisie. «L'indemnisation des victimes du terrorisme doit devenir un vrai sujet. Ce n'est pas le cas, et les victimes du Bardo ont la sensation qu'on ne s'occupe absolument pas d'eux», déplore Géraldine Berger-Stenger, qui s'occupe elle de deux couples blessés au Bardo. «Ils ont ce sentiment d'être oubliés par l’État tunisien, mais aussi par la France.»

Cette démarche inédite bouscule en tout cas les habitudes de la justice, et pourrait changer les choses. Car depuis la mise en place, en France, du FGTI, seules quelques procédures ont terminé devant les tribunaux. Cette «class-action» envisagée se rapproche en effet de ce qui peut exister aux Etats-Unis, où les victimes du 11 septembre ont touché environ 2 millions de dollars d'indemnités. «Ce n'est pas ce que l'on demande, mais la négociation avec la Tunisie doit s'ouvrir», plaide Géraldine Berger-Stenger.

Le cas échéant, ce sera à la justice tunisienne d'estimer si le risque d'attentat, par nature imprévu, a été négligé par le pays. «Ce sera à l'enquête de déterminer si oui ou non la Tunisie avait connaissance d'une attaque imminente, mais ce n'est un secret pour personne que la Tunisie est une cible des terroristes», affirme Géraldine Berger-Stenger. «La Tunisie fait face à des mouvement djihadistes et n'a pas pris les mesures de sécurité adéquates.»