Une attaque contre un hôtel de Sousse en Tunisie a fait au moins 27 morts, dont des touristes étrangers. Le journaliste et spécialiste du salafisme jihadiste tunisien Hédi Yahmed voit dans cet attentat une volonté de casser l'économie tunisienne.
RT France : Comment un homme armé a-t-il pu accéder à un site touristique sans être inquiété ?
Hédi Yahmed : Le dispositif de sécurité mis en place ne peut pas couvrir tous les sites touristiques. Sousse est une ville très touristique, avec des dizaines de plages. Les contrôles sécuritaires y sont très difficiles. Le terroriste est arrivé à l'hôtel en empruntant l'accès par la plage. Il portait un parasol dans lequel il avait caché l'arme. Il ressemblait à n'importe quel tunisien.
RT France: Avez-vous été surpris par cet attentat ?
Hédi Yahmed : Les autorités avaient averti la population que des attentats seraient possibles pendant le mois de Ramadan. Nous nous y attendions. La situation sécuritaire en Tunisie est très délicate. On savait que quelque chose pouvait se passer, surtout depuis les attentats du Bardo en mars dernier. Il se peut même qu'il y ait d'autres attentats après celui de Sousse, rien n'est impossible.
RT France: Pourquoi ?
Hédi Yahmed : Plusieurs raisons expliquent la situation actuelle tendue. D'abord la frontière libyenne est toujours ouverte. Il y a un passage continu des deux côtés, d'hommes et d'armes. Des groupes armés entraînent ouvertement des Tunisiens à cette frontière. On sait que 90% des Tunisiens impliqués dans des attentats ont eu un entraînement en Libye. L'arme qui a servi à cet attentat vient de là-bas d'ailleurs.
Ensuite, la situation du pays est aussi un facteur dont il faut tenir compte. Malgré le travail de prévention entrepris par les autorités depuis l'assassinat de l'homme politique Chokri Belaïd en février 2013, il reste des niches de terrorisme.
RT France : Comment expliquez-vous l'existence de ces cellules ?
Hédi Yahmed : Nous payons trois ans de laissez-faire: nous avons laissé les mosquées aux mains de groupes extrémistes salafistes comme Ansar al-Charia. Le parti islamiste Ennahda, qui a été au pouvoir au sein de la Troïka, a une responsabilité morale et politique dans la situation actuelle du pays.Quand il était au pouvoir, il a laissé ces groupes agir dans le pays sans contrôle. Certains jeunes ont ainsi été envoyés en Syrie et en Libye. Le gouvernement a compris qu'il fallait réagir quand cela était un peu tard. Le groupe Ansar al-Charia a été interdit seulement en novembre 2013. Une partie des jeunes tunisiens qui le suivaient a fini en prison. Une autre est partie combattre en Syrie. La dernière partie s'est adaptée aux nouvelles conditions sécuritaires du pays, et sont devenus de véritables cellules dormantes. Par exemple le jeune Tunisien qui a commis l'attentat à Sousse était étudiant à Kerouan, et ne portait ni barbe, ni signe religieux particulier.
RT France: Cet attentat à Sousse, qui est une ville très touristique, a lieu après celui du musée Bardo de Tunis en mars dernier. Pourquoi ces deux cibles ?
Hédi Yahmed : Il y a là une volonté évidente de casser l'économie tunisienne. Le terrorisme est aveugle mais il est intelligent. Il frappe là où cela fait mal. Le tourisme est le secteur le plus important de l'économie tunisienne. Nous sommes au début de l'été, et cet attentat va plomber toute une saison touristique. Après l'attentat du Bardo, il y a avait eu toute une mobilisation internationale pour soutenir le tourisme, avec des appels à venir en Tunisie. Les terroristes ont compris que l'attentat du Bardo n'avait pas été suffisant. Ils ont frappé aujourd'hui encore plus fort.
RT France : Pensez-vous que cela va aura des conséquences sur l'économie tunisienne ?
Hédi Yahmed : Désormais la situation sera encore plus difficile pour le tourisme. Je doute qu'on parvienne à mobiliser les touristes pour venir cet été. Mais nous avons en tête l'exemple égyptien. Le pays a aussi failli voir son économie s'effondrer en raison des attentats. Mais il su rebondir, et la Tunisie le peut aussi.
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