L'enquête aura duré dix ans. Ce 27 janvier, l'ancien homme fort du Parti socialiste des Bouches-du-Rhône, le sénateur Jean-Noël Guérini, est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour «prise illégale d’intérêts» concernant «l'exploitation d'une décharge par son frère».
Dans cette affaire tentaculaire, il est reproché à l’ancien président du Conseil général des Bouches-du-Rhône et à 11 autres prévenus «un dévoiement généralisé de la chose publique au service d'intérêts économiques privés», écrit le juge d'instruction dans son ordonnance consultée ce 27 janvier par l'AFP.
Jean-Noël Guérini, dont les avocats avaient sollicité un non-lieu total, devra s’expliquer pour son vote, en juin 2006 en commission permanente, autorisant la cession d’un terrain situé sur la commune de La Ciotat (Bouches-du-Rhône) à la communauté d'agglomération «alors qu’il savait que cette cession allait profiter à son frère Alexandre Guérini», selon l'ordonnance.
Ce dernier dirigeait la société, SMA Environnement, attributaire d'un marché public portant sur l’aménagement et l'exploitation de ce terrain utilisé comme centre d'enfouissement des déchets ménagers.
Conflit d'intérêts ?
Les autres personnes – parmi lesquelles le frère de l’élu Alexandre Guérini – et une entreprise dirigée par ce dernier seront également jugées dans cette affaire qui mêle des soupçons de trafic d’influence, d’infractions sur les marchés publics, d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux.
Le magistrat a prononcé un non-lieu pour les trois autres infractions pour lesquelles Jean-Noël Guérini avait été mis en examen, notamment la participation à une association de malfaiteurs, conformément aux réquisitions du parquet.
Outre le «dévoiement généralisé de la chose publique» reproché aux 12 prévenus, le juge Fabrice Naudé qui a bouclé cette instruction le 17 janvier, souligne «une confusion permanente dans la définition des priorités devant présider au fonctionnement des collectivités publiques et des entreprises privées».
Cette affaire, qui avait provoqué un séisme au sein du paysage politique marseillais, a concerné une trentaine de volets distincts dont bon nombre n'avaient pas abouti à des mises en cause.
Procès en fin d'année ?
Sur les 25 personnes physiques initialement mises en examen, 14 bénéficient d’un non-lieu tout comme la société Vebolia Propreté – en tant que personne morale – qui avait été mise en examen pour recel de trafic d’influence.
Au total, note le juge Naudé, «ce sont 99 interrogatoires et dix confrontations qui ont été conduits», dont une trentaine concernant Alexandre Guérini, personnage central du dossier. Quelque 13 millions d’euros ont été saisis sur des comptes en France, au Luxembourg et en Suisse.
Le juge a signé un non-lieu général concernant l’infraction de participation à une association de malfaiteurs. Aucun fait matériel préparatoire n’a pu être identifié, indique-t-il.
Il précise cependant que «des comportements ou des méthodes présentant les caractéristiques de procédés de type mafieux [...] ont pu être ponctuellement mis en évidence, qu’il s'agisse du recours à des actes de soumission, d’intimidation, voire à une forme d’omerta, aux fins d’acquérir directement ou indirectement la gestion ou le contrôle d’activités économiques ou de marchés publics, de réaliser des profits indus ou encore de fausser le jeu d’élections en s’assurant des votes futurs».
Près de 11 ans après la mise en examen de Jean-Noël Guérini, un procès pourrait se tenir en fin d’année.
En retrait du PS
«Après avoir subi dix ans d'instruction, la levée de son immunité parlementaire, le discrédit politique et social par une mise en examen pour association de malfaiteurs [...] il est renvoyé simplement pour avoir présidé une assemblée dans le cadre de ses fonctions de président du Conseil général. A certains égards, c'est inquiétant pour le fonctionnement de l'institution judiciaire», a réagi l'un de ses avocats Dominique Mattei auprès de l'AFP.
Jean-Noël Guérini, qui a perdu la présidence du conseil départemental en 2015 après la victoire de la droite, s'était mis en retrait du PS après ses ennuis judiciaires et avait devancé son exclusion en avril 2014 en démissionnant du parti pour fonder son mouvement politique, La Force du 13 (LFD13). Il siège au Sénat au sein du Rassemblement démocratique et social européen.
Sollicité par l'AFP, il n'a pas souhaité réagir.