Taha Bouhafs, journaliste et militant qui avait été placé en garde à vue après la manifestation perturbant une sortie au théâtre d'Emmanuel Macron à Paris, a finalement été libéré le soir du 18 janvier. Son avocat, Arié Alimi, a précisé qu'il n'avait pas été mis en examen.
A l'issue de la garde à vue et afin de poursuivre les investigations, le parquet de Paris a décidé d'ouvrir une information judiciaire pour «participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations» et «organisation d'une manifestation non-déclarée», selon une source judiciaire. A ce stade, la juge d'instruction a toutefois décidé de placer Taha Bouhafs, 22 ans, sous le statut de témoin assisté, stade intermédiaire entre la mise en examen et le statut de témoin simple.
«C'est un dépassement inédit des atteintes à la liberté d'informer et aux droits des journalistes, à la demande de l'Elysée», a réagi auprès de l'AFP Arié Alimi, pour qui «ce n'est que le début d'une affaire d'Etat».
«La soirée risque d’être mouvementée»
Le militant et journaliste, qui couvre régulièrement les mouvements sociaux dans la capitale, notamment pour le site d'information Là-bas si j'y suis, avait été interpellé le soir du 17 janvier. Son arrestation avait provoqué une vague de réactions indignées, notamment à gauche.
Au 44e jour de grève contre la réforme des retraites, le jeune homme avait publié un message sur Twitter, depuis un théâtre parisien, où il se trouvait quelques rangées derrière Emmanuel Macron. Taha Bouhafs commentait : «Je suis actuellement au théâtre des Bouffes du Nord (Métro La Chapelle). Trois rangées derrière le président de la République. Des militants sont quelque part dans le coin et appellent tout le monde à rappliquer. Quelque chose se prépare… La soirée risque d’être mouvementée.»
Taha Bouhafs avait demandé ensuite à ses dizaines de milliers d'abonnés s'il devait lancer ses chaussures sur le président, mimant le geste célèbre d'un journaliste irakien contre le président américain Georges W. Bush, en 2008. «Je plaisante [...] la sécu me regarde bizarre là», précisait-il ensuite.
Un peu plus tard, quelque 200 manifestants s'étaient dirigés vers l'entrée du théâtre, scandant : «Macron démission», ou encore «Macron, on vient te chercher».
Parvenant à forcer l'entrée, le groupe avait été stoppé dans le hall, mais certains avaient toutefois réussi «à ouvrir deux portes qui donnaient sur la salle de spectacle [pendant] environ 30 secondes, ce qui a perturbé la présentation, mais ne l'a pas interrompue», selon des rapports policiers consultés par l'AFP.
Le président Macron, présent avec son épouse, avait alors été «sécurisé» pendant quelques minutes, puis était retourné assister à la pièce jusqu'au bout, selon son entourage.
Mais alors que les policiers faisaient sortir les manifestants du théâtre, «M. Bouhafs, resté sur les marches pour filmer l'évacuation, nous a été désigné par un membre du GSPR [service de sécurité de la présidence] comme étant celui qui était précédemment dans la salle et qui [avait] appelé à participer à l'attroupement», selon les rapports.
Pour l'avocat de Taha Bouhafs, son client s'est borné à transmettre une information, déjà diffusée par un autre compte Twitter quelques minutes auparavant. Arié Alimi dénonce en outre la saisie par la justice du téléphone de son client, dans lequel se trouvent les images de la scène, mais aussi les contacts du journaliste.