France

Retrait de l'âge pivot : hormis la CFDT et l'UNSA, l'annonce d'Edouard Philippe ne convainc pas

En se disant «disposé à retirer» sous conditions le fameux âge pivot du projet de réforme des retraites, le Premier ministre a réussi à convaincre la CFDT et l'UNSA... mais pas la plupart des syndicats et formations de gauche.

«Je suis disposé à retirer du projet de loi [sur la réforme des retraites] la mesure de court terme que j'avais proposée, consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d'équilibre de 64 ans en 2027», a écrit Edouard Philippe, le 11 janvier, dans une lettre à destination des organisations syndicales et patronales, tout en précisant que le gouvernement comptait conserver le principe d'un «âge d'équilibre» dans le futur système. 

Ce retrait du fameux âge pivot est sous conditions : le Premier ministre propose qu'une «conférence de financement» soit réunie avec les partenaires sociaux pour «proposer les mesures permettant d'atteindre l'équilibre financier en 2027». Faute d'accord de cette conférence d'ici «la fin du mois d'avril 2020», le gouvernement prendra par ordonnance les mesures nécessaires pour atteindre cet équilibre en 2027, indique la lettre.

Ce «compromis» a été jugé par le président de la République Emmanuel Macron «constructif et de responsabilité», a fait savoir l'Elysée.

Les syndicats réformistes enthousiastes

Le principal syndicat réformiste, la CFDT, par la voie de Laurent Berger, a salué une «victoire» : «Nous avons obtenu le retrait de l’âge pivot, une victoire pour la CFDT ! Nous allons maintenant poursuivre notre action pour un système de retraite plus juste et solidaire !»

Sans surprise, le syndicat UNSA, régulièrement proche des positions de la CFDT, a estimé qu'il s'agissait là d'«une avancée majeure, à mettre à l’actif de la mobilisation et de l’action de l’UNSA». «Les échanges peuvent enfin démarrer», a-t-elle déclaré.

Nouvel appel à une journée interprofessionnelle de grèves

L'enthousiasme de ces syndicats est loin d'avoir été partagé par l'ensemble des syndicats et formations politiques jusqu'alors mobilisés contre le projet de réforme gouvernemental.

Après l'annonce d'Edouard Philippe, la CGT fait ainsi toujours partie des syndicats y étant opposés. Son leader, Philippe Martinez, interrogé en tête de la manifestation parisienne avant la publication du courrier du Premier ministre, avait estimé pour l'AFP que l'âge pivot était «un leurre» qui ne changeait «rien à notre opposition à la réforme». Après la diffusion de cette lettre, la CGT a déclaré être «plus que jamais déterminée à obtenir le retrait du texte».

Même topo du côté du syndicat Solidaires (SUD) : son secrétaire national Simon Duteil a affirmé une opposition toujours ferme contre le projet : «On s'en fout, on veut le retrait de tout le projet !»

Partant, une intersyndicale formée de la CGT, FO, la FSU, Solidaires, la CFE-CGC et trois organisations de jeunesse, ont appelé dans un communiqué à «organiser des actions de grève, de convergences interprofessionnelles sur tout le territoire, en rejoignant massivement par la grève le mouvement le 14 janvier». Elle a enjoint à «poursuivre les actions et la mobilisation le 15 et à faire du 16 une nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle massive de grèves et de manifestations».

Le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, observait auprès de l'AFP, avant la publication de la lettre d'Edouard Philippe : «Si on nous annonce un recul en tout ou partie sur l'âge pivot, ce sera le produit de la mobilisation».

Gauche, souverainistes et RN toujours opposés à la réforme

Du côté des politiques, le député socialiste Jean-Louis Bricout a tweeté : «Quelle complicité et mascarade entre Laurent Berger et Edouard Philippe pour faire avaler aux ouvriers "le principe de la retraite par points"... Et pourtant, quel désastre cette réforme...!»

Le député européen de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard a analysé la situation : «Edouard Philippe retire provisoirement une mesure qui devait s'appliquer pour les gens arrivant à la retraite entre 2022 et 2027. Les autres auront toujours le droit à l'âge pivot, pouvant aller jusqu'à 67 ans. Acculé, le régime tente une grossière manœuvre qui ne leurre personne.»

A droite, le chef de file de Debout la France (DLF) Nicolas Dupont-Aignan a jugé qu'«Emmanuel Macron recule sur l'âge pivot mais pas sur le pire de sa réforme : baisse des pensions, point instable, hold-up des réserves en excédent, ouverture du marché des 300 000 plus hauts revenus aux fonds de pensions avec 4,5 milliards d'euros de cotisations en moins pour le régime général...»

Le président des Patriotes Florian Philippot a jugé que «mis à part les chefs à plume de la CFDT, personne ne sera[it] satisfait» de la lettre d'Edouard Philippe. «Juste une entourloupe, le problème majeur de ce texte est le point, et la prise en compte de toute la carrière !», a-t-il ajouté.

Enfin, la présidente du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen a vu dans l'annonce de Matignon une «manipulation [qui] était cousue de fil blanc !» «L’âge pivot n’existait que pour pouvoir être retiré et faire passer la pilule d’une réforme qui précarisera des millions de retraités», a estimé la dirigeante du RN.

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