Et un frein de moins contre les écoutes téléphoniques tendancieuses. Jean-Marie Delarue a été écarté, ce mardi, de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, autorité administrative créée en 1991 et chargée de vérifier la légalité des écoutes téléphoniques administratives. Cet organe était en effet être une instance de contrôle de ces écoutes qui échappent à la justice, et sont demandées par les services de renseignements et validées par le Premier ministre.
Alors que la CNCIS va être remplacée par un nouvel organe dans le cadre de la loi Renseignements, Jean-Marie Delarue n'en prendra pas la tête, contrairement à ce qui était annoncé depuis de longues semaines. «Ce départ prouve qu'il y a la volonté d'avoir un président plus docile que Mr Delarue, qui prenait son rôle au sérieux», estime Tristan Nitot, membre du Conseil national du numérique et opposant à la loi Renseignement. Pour beaucoup, Jean-Marie Delarue, remplacé par Francis Delon - «quelqu'un du sérail, proche du monde du renseignement» -, paye ainsi sa liberté de ton, et ses critiques voilées contre Manuel Valls.
Jean-Marie Delarue s'était en effet à plusieurs reprises ému que le Premier ministre passe outre, pour la première fois depuis 1991, les recommandations de la CNCIS. Garde-fou, la CNCIS avait en effet pour rôle de superviser ses écoutes, et d'émettre un avis sur leur bien-fondé.
Depuis 1991, cet avis avait toujours été suivi par le Premier ministre. Mais Manuel Valls n'a pas suivi la tradition. «Plus du quart» des avis défavorables, ainsi que deux recommandations de suppression immédiate d’écoutes litigieuses avaient été ignorés par Manuel Valls, avait déploré le dernier rapport de la CNCIS. Son éviction est en tout cas «très préoccupante, car même ce qui doit être un contre-pouvoir est totalement aux ordres du pouvoir», note Tristan Nitot. «Cela confirme bien la position de Manuel Valls en faveur des services de renseignement, et cela de façon néfaste pour les libertés individuelles.»
Jean-Marie Delarue était aussi un opposant à la nouvelle loi Renseignement, déplorant à plusieurs reprises «un affaiblissement des contrôles». Selon lui, le nouvel organisme chargé des contrôles n'est qu'un «colosse aux pieds d’argile (…) qui ne pourra contrôler que ce qu’on voudra bien qu’elle contrôle». Le départ de cet homme interroge donc sur le réel pouvoir de l'organe de contrôle des écoutes téléphoniques administratives. «Ses craintes sur le manque de contrôle se confirment», déplore Tristan Nitot. «On a désormais un contrôle des écoutes qui semble plus aux ordres que Mr Delarue.»