Si le Conseil constitutionnel a définitivement validé la loi Renseignement, le Syndicat National des Journaliste (SNJ) ne s'avoue pas vaincu et entend continuer à s'opposer à une loi qui menace, selon lui, directement la liberté d'information.
Le SNJ n'a pas mâché ses mots dans le communiqué qu'il a publié après la décision du Conseil constitutionnel de ce 23 juillet. Selon le syndicat, majoritaire dans la profession, c'est tout simplement «l’espionnage de masse des citoyens de notre pays [qui] est déclaré « constitutionnel » par ceux-là mêmes qui auraient dû être les garants de la devise fondatrice de notre République».
Dans sa ligne de mire, un extrait de la décision des neuf Sages de la Place du Palais Royal qui pose que « (...) aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes».
Pour le SNJ, cela fait peser un danger évident sur le secret des sources. Dominique Pradalié, secrétaire général du SNJ répond à RT France.
RT France: Êtes-vous surpris, au Syndicat national des Journalistes, par la décision du Conseil constitutionnel qui valide la loi Renseignement?
Dominique Pradalié: Nous pensions vraiment que le Conseil constitutionnel allait retoquer cette loi. La Quadrature du Net lui avait envoyé un mémoire d'une cinquantaine de pages très documentées et argumentées juridiquement. Il n'en a pas tenu compte. Nous sommes étonnés par cette décision. Le conseil estime par exemple que la correspondance privée ne sera pas touchée par cette loi. Or un mail est une correspondance non? C'est même reconnu par les tribunaux. Le Conseil aurait pu s'appuyer sur l'article 34 de la Constitution, pour refuser de donner son aval à cette loi, article qui parle de «pluralisme et d'indépendance des médias».
SNJ : La loi sur le renseignement validée, La France : un État policier http://t.co/jgW766pFP9@SNJ_national@IFJGlobal@EFJEUROPE
— Olivier Da Lage (@odalage) 24 Juillet 2015
RT France: Vous avez condamné fermement cette décision dans un communiqué du SNJ, pourquoi?
Dominique Pradalié: Cette loi est tout simplement destructrice de la profession de journalistes. Des dispositifs techniques complexes peuvent enregistrer et écouter sans aucune distinction des citoyens, des journalistes, des parlementaires, des avocats sans qui que ce soit puisse s'y opposer. On ne pourra jamais faire condamner ceux qui nous écoutent.
RT France: La loi ne prévoit-elle pas des recours?
Dominique Pradalié: Les seuls recours qui existent se feront devant la justice administrative. Comment apporter la preuve contre l'Etat dans ce cas? C'est tout simplement impossible à faire. On nous dit qu'il y aura une Commission nationale pour chapeauter tout cela. Mais parviendra-t-elle à vérifier si 66 millions de Français sont surveillés?
RT France: Vous parlez dans votre communiqué d'«Etat policier», la formule est forte...
Dominique Pradalié: Comment appeler cela autrement? Si on peut impunément poser des micros, écouter ad vitam aeternam n'importe qui, cela ne peut s'appeler autrement. On peut, avec cette loi, par exemple vous localiser n'importe où. Si vous faîtes vos courses et que vous passez à côté d'un terroriste, on pourra vous surveiller pour un lien supposé avec ce terroriste. Je ne caricature même pas. Nous parlons au SNJ en tant que citoyen d'abord.
RT France: Par rapport à la profession de journalistes, que reprochez-vous à cette loi?
Dominique Pradalié: Elle s'attaque directement au secret des sources. Or sans secret des sources, il n'y a pas de sources et sans source, il n'y a pas de journalisme et donc pas d'information. La Cour européenne des droits de l'homme, elle-même, consacre ce secret des sources comme «la pierre angulaire de la liberté de la presse».
«Le terrorisme est devenu le cache-sexe de mesures qui n'ont rien à voir avec lui» Dominique Pradalié, SNJ
D'autres points nous semblent problématiques. Comment comprendre par exemple que toute enquête sur l'amiante puisse être considérée comme un secret national? C'est aberrant. Sous prétexte de terrorisme, on restreint le champ des enquêtes. Le terrorisme est devenu le cache-sexe de mesures qui n'ont rien à voir avec lui. Nous estimons au SNJ que cette loi est un chalutier industriel qui détruit tout sur son passage pour attrapper seulement quelques anguilles. Et parmi les dégats, il y a la liberté d'information.
Protection des sources ? Circulez, y'a rien à voir, dit le Conseil constitutionnel. http://t.co/hZDPDVEPG4#renseignement
— SNJ (@SNJ_national) 24 Juillet 2015
RT France: Quel recours allez-vous faire puisque au plan national il n'en existe plus a priori?
Dominique Pradalié: D'abord, comme un baroud d'honneur, nous allons demander officiellement au président de la République de ne pas promulguer cette loi. Nous allons ensuite nous réunir avec la Ligue des Droits de l'Homme, la Quadrature du net et d'autres associations pour explorer la piste des traités signés par la France, soit à l'échelon européen soit plus largement international. Nous voulons agir en prévention, pas une fois que nos sources seront révélées. Déjà nous constatons l'inquiétude qui monte chez certaines d'entre elles qui nous disent que la loi va désormais leur poser problème.
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