France

La vague de tweets sur Noisiel témoigne-t-elle d'une homophobie propre aux banlieues ?

Après la fuite de la «sex-tape» de deux hommes, une vague de haine a déferlé sur Twitter, à travers le hashtag #Noisiel, ville d’origine de l’un d'eux. Reconnu par des habitants de la banlieue, ce dernier a dû quitter le pays par peur d'être agressé.

Les 26 et 27 novembre, de nombreux commentaires homophobes ont été postés sur le réseau social Twitter après la diffusion d'une vidéo sur internet où l’on pouvait voir deux hommes avoir des rapports sexuels. Un des deux jeunes hommes, originaire de Noisiel, en Seine-et-Marne, a été reconnu sur la vidéo par certains habitants de sa commune. Le hashtag #Noisiel s’est alors créé sur Twitter, et s’est même affiché en «top tweet» durant deux jours.

Le jeune homme a reçu de nombreux messages haineux ainsi que des menaces, qui l’ont poussé à se réfugier à l’étranger auprès de sa famille, par peur de se faire agresser, selon la porte-parole de l’association Urgence Homophobie, Marine Giner-Dufour, interrogée par l'AFP. «Le cyberharcèlement, déjà très violent, s'est traduit par un harcèlement direct sur son numéro privé, des menaces et il a eu peur qu'on vienne l'agresser directement», a-t-elle précisé. De son côté, l'association Urgence Homophobie s'est elle aussi indignée de toutes ces violences, confirmant que la victime avait dû fuir à l'étranger.

Mehdi Aïfa, président de l'Amicale des jeunes du refuge, association militante LGBT d’entraide solidaire et de lutte contre l’homophobie, s'est exprimé à ce sujet dans une interview à Atlantico. Il y explique notamment que cette vague de haine, en particulier de la part de jeunes de Noisiel qui connaissent la victime, ne l’a pas vraiment surpris. «Nous sommes témoins tous les jours de propos homophobes venant de personnes identifiées comme vivant en banlieue ou en cité», a-t-il confié au média en ligne.

En effet, selon lui, il existe un véritable rejet de l’homosexualité de la part de certains jeunes de banlieues. «Il ne faut pas croire que cet outing forcé n'est qu'un jeu d'ados prépubères qui viennent de découvrir que deux hommes peuvent avoir des relations sexuelles, il s'agit là d'une mise à l'index pour rappeler à tout un quartier que […] les homosexuels n'y ont pas leur place et qu'ils feraient mieux de bien se cacher ou de fuir, ce que ce jeune homme a été malheureusement contraint de faire. Cela n'a qu'un but, intimider celles et ceux qui ne collent pas à la norme, la leur», a-t-il ainsi ajouté.

Une religion dominante en banlieue, qui «interdit» l'homosexualité

Le président de l’association estime que cette haine est directement alimentée par la culture de la religion musulmane, très présente au sein des quartiers. «La religion qui prédomine dans ces banlieues ce n'est pas la religion catholique, mais l'islam et par prolongement l'islamisme et l'islam politique. Les homosexuels sont considérés comme haram (interdit) et nous le voyons dans certaines agressions homophobes, les agresseurs sont en très grande majorité d'origine nord-africaine, et parfois les agressions ont pour justification la religion islamique», développe-t-il sur le site Atlantico. Avant d’ajouter que «l'homosexualité dans les pays d'Afrique du Nord est sévèrement réprimée par la loi, mais aussi par l'opinion publique, et nous constatons une importation de ces interdits dans nos territoires français.»

Des associations «dans l'incapacité d'identifier et de nommer ce mal» 

La vague de tweet homophobes appelant à la haine qui s'est propagée sur le réseau social a fait réagir des associations, comme SOS Homophobie : «Nous condamnons la déferlante de haine homophobe qui se déverse sur le #Noisiel depuis quelques heures, reflet d’un internet pollué quotidiennement par des expressions de haine et de rejet.»

Mais selon Mehdi Aïfa, trop peu d’associations LGBT+ pointent le fait que ce genre de comportements est très récurrent au sein des banlieues : «[Les associations] n'ont aucun courage et agissent de la sorte par peur d'être étiquetées d'islamophobes. L'exemple de SOS Homophobie est frappant. Elle condamne et parle de "reflet d’un internet pollué quotidiennement par des expressions de haine et de rejet." Ce n'est pas le reflet d'un internet mais le reflet d'une micro-société dans notre société qui gâche la vie des homosexuels en banlieue. Ces associations sont dans l'incapacité d'identifier et de nommer ce mal.»

Certaines personnalités politiques se sont insurgées de ce déferlement de haine. Le candidat LREM à la mairie de Paris Cédric Villani a notamment exprimé dans un tweet son «immense sentiment de dégoût en découvrant la déferlante de tweets homophobes» visant le jeune habitant de Noisiel. 231 agressions physiques ont été signalées en 2018 à SOS Homophobie, un record historique. Au dernier trimestre 2018, une agression physique par jour était rapportée à l'association.

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