Le Sénat examine ce 29 octobre une proposition de loi Les Républicains (LR) visant à interdire le port de signes religieux aux parents accompagnant des sorties scolaires. Le sujet est d'autant plus sensible que l'examen du texte intervient au lendemain d'une attaque menée contre une mosquée, qui a fait deux blessés. Et si la proposition de loi «tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes qui participent au service public de l'éducation», a été déposée en juillet, avant la nouvelle polémique sur le port du voile relancée par un élu du Rassemblement national (RN), elle prend aujourd'hui un relief tout particulier, la droite française pressant Emmanuel Macron de s'exprimer sur la laïcité.
Le chef de l'Etat a assuré ne pas vouloir «céder à la précipitation», mais il a reçu le 28 octobre les représentants du culte musulman, les exhortant à «combattre» davantage l'islamisme et le communautarisme.
Le texte examiné dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg vise à modifier le code de l'éducation pour étendre «aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l'enseignement dans ou en dehors des établissements» l'interdiction des signes religieux ostensibles posée par la loi de 2004.
La sénatrice PS Samia Ghali demande à LR de retirer le texte au nom de «l'apaisement des esprits»
Lors d'une interview accordée à LCI ce matin du 29 octobre depuis Marseille, la sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône, Samia Ghali, a déclaré qu'elle avait demandé au patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau de retirer le texte au nom de «l'apaisement des esprits», évoquant une loi «qui n’amène à rien sauf un débat stérile, haineux» et qui, à son sens «ne fait pas avancer les valeurs de la République».
Sur Twitter, le sénateur de droite a répondu : «Le débat peut et doit se passer en toute sérénité au parlement. Sinon il aura lieu dans la rue avec le risque de violences que cela comporte. Les Français sont très majoritairement favorables à cette proposition de loi. La mettre sous le tapis serait la pire des choses à faire.»
Si la proposition de loi portée par la sénatrice du Val d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio est adoptée en première lecture par le Sénat, elle n'aura aucune incidence légale, tant qu'elle n'aura pas été votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle. Pour Jacqueline Eustache-Brinio, il s'agit de combler «un vide juridique» afin d'éviter de laisser aux chefs d'établissements la responsabilité de trancher.
«La sortie scolaire est-elle un temps éducatif ? Oui. Celui qui accompagne une classe est donc un acteur de service public et ne peut pas porter de signes distinctifs», soutient Gérard Larcher, président LR du Sénat.
Le rapporteur du texte, Max Brisson (LR), souligne que l'interdiction de tenues ou de signes manifestant «de manière ostensible» une appartenance religieuse ne s'appliquerait pas aux parents participant à la fête de l'école, qui n'est pas une activité liée à l'enseignement, ni lorsqu'ils viennent à l'école pour rencontrer les enseignants.
Ce sont ceux qui défendent le plus l'école privée catholique qui sont les plus favorables à la neutralité dans l'école publique
Socialistes et communistes voteront contre le texte. «Est-ce qu'une femme qui tient la main d'un enfant pour lui faire traverser un passage piéton, c'est une éducatrice ?», interrogeait le 27 octobre le patron des socialistes Olivier Faure, ajoutant : «Si vous dites que cela a un lien avec l'école, alors il faut aussi empêcher les mamans de rentrer à l'école avec un foulard.» «Ce sont ceux qui défendent le plus l'école privée catholique qui sont les plus favorables à la neutralité dans l'école publique», a de son côté lancé le sénateur (PS) David Assouline lors de l'examen du texte en commission. Pour l'élu de Paris, relancer le débat renforce deux forces, le RN et les islamistes.
Du côté de la majorité présidentielle, le député LREM Aurélien Taché, représentant de l'aile gauche de La République en marche (LREM), s'est farouchement opposé au texte LR : «Les Républicains devraient peut-être s'interroger sur l'opportunité aujourd'hui d'avoir ce débat-là», a-t-il suggéré.
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