La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a présenté ce 9 septembre un «plan d'actions» avec un «budget dédié» pour «régler sur le long terme» la crise des urgences qui dure depuis bientôt six mois. Elle a ainsi promis de consacrer plus de 750 millions d'euros entre 2019 et 2022 à la «refondation des services d'urgences». Cette somme, qui ne s'ajoutera pas au budget déjà prévu pour les dépenses de santé mais sera puisée dans des crédits existants, servira à financer une douzaine de mesures visant à désengorger les urgences en s'appuyant davantage sur la médecine de ville et en accélérant les prises en charge. Mais à ce stade, le ministère ne prévoit pas d'ouvertures de lits ni de recrutements de personnels, comme le réclament pourtant les grévistes.
La primeur de ces annonces était réservée aux représentants des personnels et dirigeants hospitaliers, qu'Agnès Buzyn a reçu à 15h, ainsi que les syndicats de médecins libéraux et le collectif Inter Urgences, à l'origine de ce mouvement social inédit.
La ministre avait déjà promis le 8 septembre qu'il y aurait «un budget dédié pour régler la crise» : «Je vais mettre de l'argent dans des solutions pérennes, restructurantes, qui vont régler le problème des urgences sur le long terme», avait-elle affirmé.
Contacté par RT France avant l'annonce, Hugo Huon, membre du collectif Inter Urgences, à l'origine du mouvement de grève qui touchait 249 services d'urgences le 6 septembre, c'est-à-dire un service sur deux (contre 154 au mois de juillet), préférait attendre l'assemblée générale de son collectif annoncée le 10 septembre à Saint-Denis avant de se prononcer sur la poursuite du mouvement. Mais il estime d'ores et déjà que les annonces de la ministre, qui compte «régler la crise» avec quelques centaines de millions d'euros en trois ans, sont très en-deçà des sommes nécessaires : «Ce sont des milliards qu'il faudrait à ce stade !» Par ailleurs, le militant n'est pas convaincu par l'annonce d'Agnès Buzyn sur les fermetures de lits : «On va fermer des lits en chirurgie pour en rouvrir en médecine, c'est le "en même temps" macronien. L'objectif reste de diminuer les dépenses publiques et les trois leviers de solution à l'hôpital sont les suivants : modérer les salaires, augmenter la rentabilité et faire baisser le déficit. Mais de toute façon, sur ce sujet, c'est Matignon qui a la main, pas Agnès Buzyn.»
Hugo Huon dénonce également la conséquence de cette politique de santé du gouvernement : «On constate toujours beaucoup de harcèlement de la part du management dans les hôpitaux, plus de pressions... Alors évidemment, ensuite, c'est difficile d'embaucher dans ces conditions, plus personne ne trouve d'intérêt à travailler dans les hôpitaux, surtout pour les salaires proposés.» Selon le membre du collectif Inter Urgences, il y a aussi une forme de mépris de la part d'Agnès Buzyn pour la communauté des soignants, la ministre dialoguant principalement avec les médecins : «Il n'y a aucune évolution dans le dialogue avec elle. Les médecins eux-mêmes se rendent bien compte que les services ne peuvent pas tourner avec seulement la moitié des infirmiers. Ceux qui sont sensibles à cette cause veulent aussi revaloriser tous les soignants, ça ne peut pas marcher autrement.»
Par ailleurs, Hugo Huon rappelle que lorsque les services ferment à l'hôpital, ce n'est pas pour des raisons stratégiques liées au besoin d'un territoire, mais bien plus souvent pour des raisons économiques.
A présent, l'intersyndicale (CGT-FO-SUD) et les grévistes réclament plus de postes et plus de lits dans tout le secteur hospitalier et plus seulement dans les services d'urgences. La crainte du ministère, à présent, est de voir le mouvement faire tache d'huile dans tous les services. Si les urgences continuent d'assurer les soins malgré les grèves, une grève générale dans tout l'hôpital public pourrait, elle, changer la donne. Si les annonces d'Agnès Buzyn ce 9 septembre ne sont pas satisfaisantes pour les syndicats et collectifs, la tension pourrait encore monter d'un cran... Les organisations professionnelles appellent déjà tous les praticiens à «rejoindre la mobilisation» pour «mettre fin aux restrictions budgétaires à l'hôpital public.»
Pour mémoire, la fréquentation des services d'urgences à l'hôpital public a plus que doublé en 20 ans, atteignant 21,4 millions de passages en 2017.
Antoine Boitel
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