Sur son compte Twitter, Cédric Villani se présente comme «député de l'Essonne ; mathématicien, médaille Fields 2010». Et, depuis le 4 septembre au soir, «candidat à la mairie de Paris», après avoir décidé de présenter une candidature «alternative» à celle de Benjamin Griveaux, désigné en juillet pour porter les couleurs du parti présidentiel La République en marche (LREM) aux municipales 2020 à Paris.
Dénonçant inlassablement le manque de transparence de cette désignation, Cédric Villani, 45 ans, a lancé sa campagne dans une brasserie parisienne. Pour l'occasion, celui qui a l'image d'un «extraterrestre», selon un proche, a renoué avec le look qui a fait sa renommée : lavallière et araignée sur un costume trois pièces.
«Chez lui, tout est pensé, réfléchi», expose un de ses amis qui ajoute : «On prend acte du séisme provoqué par Emmanuel Macron, qui va provoquer des répliques. Et peut-être que Villani en est une.»
Un opposant est plus critique sur cette candidature qui fait figure de fronde au sein de LREM : «Son projet, c'est lui. En 2007, il était au Modem quand tout allait très bien avant d'en claquer la porte quand le parti a pris une tôle. En 2014, il soutient Anne Hidalgo et en février 2017, il rejoint LREM [quand la victoire semble promise]», persifle cet opposant, se moquant de l'instabilité du mathématicien, «un mec de 45 ans qui n'a jamais eu à gérer un échec».
Cédric Villani est-il un mauvais perdant, lui qui a échoué à convaincre la Commission nationale d'investiture de LREM de le soutenir officiellement à la mairie de Paris face à Benjamin Griveaux ?
Un futur ticket Villani–Gantzer ?
La vraie question est celle de «sa stratégie d'alliance ou son positionnement», selon Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris et artisan du rapprochement de Cédric Villani et des équipes de la candidate PS Anne Hidalgo en 2014. Pour Gaspard Gantzer, également candidat à la mairie de Paris, le positionnement de Cédric Villani par rapport à Benjamin Griveaux et Emmanuel Macron, «ce n'est pas très clair». Pas clair, peut-être. Mais Cédric Villani compte sur les intentions de vote pour faire basculer les élections et montrer à Gaspart Gantzer et à Benjamin Griveaux qu'il pourrait l'emporter. Peu avant l'échec de l'investiture à LREM, Cédric Villani disposait de sondages aussi favorables que Benjamin Griveaux. Gaspard Gantzer étant crédité pour sa part, depuis plusieurs mois, à moins de 5%.
Si les différences politiques entre Gaspard Gantzer, Cédric Villani et Benjamin Griveaux sont infimes, les forces se divisent et Gaspard Gantzer pourrait être le faiseur de rois pour affronter la maire sortante Anne Hidalgo. Rien de fantasque donc à imaginer Cédric Villani chercher ainsi à rallier le soutien de Gaspard Gantzer. L'élection pourrait alors basculer nettement en faveur du député de l'Essonne.
N'est-ce d'ailleurs pas une première main à l'équipe de Gaspard Gantzer que Cédric Villani a tendu en déclarant, le 4 septembre, lors de l'officialisation de sa candidature : «Je veux porter une écologie de l’action, où nous ferons beaucoup plus pour répondre à l’urgence.» Or, Gaspard Gantzer a recruté fin août Isabelle Saporta, conjointe de l'eurodéputé d'Europe Ecologie - Les Verts Yannick Jadot. Cédric Villani veut aussi «remettre l’Hôtel de Ville au service de ses habitants [...] remettre [...] le gouvernement des choses au service du gouvernement des femmes et des hommes». Un credo qui colle également avec l'un des mantras du mouvement de Gaspard Gantzer : «Parisiennes, Parisiens, gouvernons Paris». Gaspard Gantzer a récemment confessé qu'il excluait toute alliance avant le premier tour. Pour le second tour en revanche...
Quoi qu'il en soit, LREM a «regretté» le 4 septembre la candidature dissidente de Cédric Villani aux élections municipales à Paris, tout en précisant que le député de l'Essonne ne serait pas exclu afin de ne pas tomber «dans la division».
«Ce choix va à l'encontre des règles collectives du mouvement auquel il appartient et rompt l'engagement qu’il avait pris devant la Commission Nationale d'Investiture de soutenir le candidat qui serait désigné» en juillet, en l’occurrence Benjamin Griveaux, peut-on lire dans un communiqué du parti.
De son côté, Benjamin Griveaux reste optimiste. La veille du secret de polichinelle, il s'était dit convaincu de «finir rassemblés» avec Cédric Villani. Un souhait de façade ? L'ancien porte-parole du gouvernement doit davantage grincer des dents. D'autant plus que – et cela n'a pu échapper à personne au sein des macronistes – l'ancien conseiller à l'Elysée d'Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, avait réalisé un tweet très respectueux envers Cédric Villani, quelques heures avant que celui n'annonce officiellement sa candidature. Alexandre Benalla envisageait déjà le futur ralliement de Benjamin Griveaux, de Gaspard Gantzer, des écologistes, des Républicains et du député Macron-compatible Pierre-Yves Bournazel à la candidature du mathématicien : «Le compte à rebours du ralliement de Benjamin Griveaux, [du mouvement de Gaspard Gantzer], des Republicains, d'Europe Ecologie Les Verts, de Pierre-Yves Bournazel à Cédric Villani est enclenché... Il est un fin stratège et il a tout compris à la Popol. Chapeau l'artiste. (LREM ne le virera pas, pour gagner... avec lui).»
Alexandre Benalla ne traduirait-il pas de la sorte la volonté du cercle privé d'Emmanuel Macron ?
Cédric Villani a une personnalité originale et sans doute que cette carte peut être un atout pour bousculer le système parisien, à l'image de la candidature d'Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2017. Le jeu de la séduction politique a commencé. Un véritable combat de coqs entre Benjamin Griveaux et Cédric Villani s'annonce.
Bastien Gouly, avec AFP