France

Les députés adoptent la loi controversée de lutte contre la haine en ligne

Les députés ont adopté la loi de lutte contre la haine en ligne qui permet aux plateformes en ligne de supprimer des contenus jugés illicites. Pour ses détracteurs, elle constitue, dans certains cas, une atteinte à la liberté d’expression.

L'Assemblée nationale a approuvé largement ce 9 juillet la proposition de loi LREM controversée de lutte contre la haine sur internet. Le texte de la députée de Paris Laetitia Avia a été validé en première lecture par 434 voix pour, 33 contre et 69 abstentions. Il passera à la rentrée au Sénat, en vue d'une adoption définitive rapide.

Il contraint les plateformes en ligne à retirer ou déréférencer dans un délai de 24h tout contenu «manifestement» illicite, après notification par un ou plusieurs utilisateurs , sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros. Sont visées les incitations à la haine, à la violence, les injures à caractère raciste ou encore les injures religieuses. Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes : transparence sur les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d'attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Les détracteurs de la loi dénoncent une atteinte aux libertés fondamentales

La quasi-totalité des députés LREM, MoDem et UDI ont voté en faveur de l’adoption de la proposition de loi, mais une poignée se sont abstenus. Philippe Latombe (MoDem) a même voté contre, jugeant «sans doute inconstitutionnelle» la «perte de souveraineté consécutive à la décision de confier la modération aux seules plateformes, avec le risque d’aseptisation et d’uniformisation des contenus, et d’atteinte à la liberté d’expression».

Dans le camp des farouches opposants, les Insoumis ont refusé que «sous prétexte de responsabiliser les plateformes», la proposition de loi «déresponsabilise l’Etat». Egalement contre, les députés RN dont Marine Le Pen s'inquiètent pour «les libertés publiques». Les trois quarts des Républicains ont en revanche voté pour, les socialistes se sont partagés entre abstention et pour, et enfin les élus Libertés et territoires ainsi que communistes se sont majoritairement abstenus. Confier aux GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) le soin de réguler «ne va pas dans le bon sens», mais que la France se saisisse du sujet est «une avancée», selon le porte-parole PCF Sébastien Jumel.

Invité ce même 9 juillet sur RT France, l’avocat au barreau de Paris, Thierry Vallat, a estimé que ce texte pouvait «rogner» les libertés fondamentales et notamment la liberté d'expression. S’il estime que cette loi permettra certes de supprimer des contenus en ligne incitant à la haine, il pointe néanmoins le risque réel que des plateformes tel que Facebook ou Twitter – sous le prétexte d'agir sous le principe de précaution – suppriment des publications dont le caractère illicite ne soit pas prouvé.

Hors Palais Bourbon, le texte a également uni contre lui quantité d'acteurs parfois pour des raisons différentes, au nom des risques de «censure». Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l'Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé que «le juge doit être au cœur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage».

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