France

Affaire Sarah Halimi : le parquet réclame un procès pour meurtre antisémite

Le parquet de Paris réclame un procès pour meurtre à caractère antisémite contre le suspect de l'assassinat de la sexagénaire juive Sarah Halimi en 2017. La famille de la victime redoutait que le suspect soit reconnu pénalement irresponsable.

Le parquet de Paris a demandé le 17 juin le renvoi aux assises du suspect du meurtre de Sarah Halimi, comme le réclamait la famille de cette sexagénaire juive qui craint de voir le jeune homme être reconnu pénalement irresponsable avant tout procès.

Il revient désormais à la juge d'instruction de décider de le renvoyer ou non devant la cour d'assises de Paris, dans cette affaire qui a donné lieu depuis deux ans à un vif débat médiatique, impliquant jusqu'au sommet de l'Etat français et israélien.

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017 à Paris, Kobili Traoré s'était introduit par la fenêtre chez sa voisine Lucie Attal – aussi appelée Sarah Hali – au troisième étage d'une HLM du quartier populaire de Belleville, après avoir traversé l'appartement d'une famille d'amis qui s'étaient barricadés dans une chambre. 

Aux cris d'«Allah Akbar», entrecoupés d'insultes et de versets du Coran, ce jeune musulman l'avait rouée de coups sur son balcon avant de la précipiter dans la cour.

Au terme de l'enquête, trois expertises psychiatriques concordent pour affirmer que le jeune homme, sans antécédent psychiatrique, ne souffre pas de maladie mentale mais qu'il a agi lors d'une «bouffée délirante» provoquée par une forte consommation de cannabis. 

Elles divergent cependant sur la question de l'abolition ou de l'altération du discernement du jeune homme, toujours hospitalisé, faisant craindre à la famille de la victime que la juge retienne le premier cas de figure et ordonne en conséquence un non-lieu.

Le premier expert avait conclu que le discernement de Kobili Traoré devait être considéré comme «altéré», «du fait de la consommation volontaire et régulière de cannabis» dont il ne pouvait ignorer les effets.

La contre-expertise, menée par un collège de trois médecins, concluait au contraire à l'abolition du discernement.

La juge avait alors sollicité un nouveau collège d'experts dont l'avis, moins tranché, penche toutefois «plutôt classiquement vers une abolition du discernement» car «au moment des faits, son libre arbitre était nul».

Bras de fer

«Ce doit être à la cour d'assises d'en décider, à l'issue d'une audience contradictoire, où il y aura un véritable débat, et non pas sur la seule opinion de tel ou tel expert, qui ne sont de fait pas tous d'accord», a réagi Caroline Toby, avocate des enfants de la victime.

«Par son comportement volontaire de consommation de cannabis, Kobili Traoré a directement contribué au déclenchement de sa bouffée délirante aiguë». «[Celle-ci] doit être considérée comme ayant altéré et non aboli son discernement», conclut de son côté le parquet dans ce réquisitoire signé le 17 juin et consulté par l'AFP.

Le ministère public demande donc un procès du jeune homme devant un jury populaire pour «homicide volontaire» à caractère antisémite et pour «séquestration de victimes n'ayant pas été libérées volontairement», en l’occurrence la famille qui s'était barricadée.

«Le fait qu'il ait consommé du cannabis en excès, bien de loin de le dégager de sa responsabilité pénale, l'aggrave», a commenté Gilles-William Goldnadel, avocat du beau-frère de la victime.

L'avocat du suspect, Thomas Bidnic, qui s'est déjà exprimé pour défendre l'irresponsabilité pénale de son client, a déclaré à l'AFP ne pas vouloir réagir dans l'immédiat.

Ce dossier avait relancé un débat concernant l'antisémitisme dans certains quartiers populaires sous l'influence d'un islam identitaire. Une controverse qui sera d'ailleurs ravivée un an plus tard par le meurtre d'une octogénaire juive à Paris, Mireille Knoll. 

La qualification antisémite de ce crime avait donné lieu à un bras de fer entre la juge, qui ne l'avait pas retenue au départ, et le parquet de Paris qui la réclamait, soutenu par les organisations se présentant comme représentantes de la communauté juive.

L'affaire avait pris une tournure politique quand le président Emmanuel Macron avait réclamé à la justice «toute la clarté» sur les faits, en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou en visite à Paris en juillet 2017.