Edouard Philippe devrait tiquer. Invitée sur LCI le 15 juin, la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher n'a semble-t-il pas pris connaissance du projet de réforme des retraites, qui figure pourtant parmi les dossiers les plus importants de l'acte II du quinquennat.
Lors de son annonce devant l'Assemblée nationale, le 12 juin, Edouard Philippe avait fait comprendre que les Français «devaient travailler plus longtemps», en laissant un droit de départ à la retraite à 62 ans, tout en imposant un âge d'équilibre. Probablement établi à 64 ans, celui-ci correspondrait, selon les lectures des discours, au véritable âge de départ à la retraite à taux plein. Le lendemain, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye avait elle aussi assuré que «tout le monde [devait] travailler un peu plus, pour une bonne raison, parce qu'on vi[vait] un peu plus longtemps».
Ainsi, si Agnès Pannier-Runacher a confirmé sur LCI qu'après la mise en place de la future réforme, les Français pourraient partir à 62 ans en retraite, elle n'a toutefois pas réussi à éclaircir la question de l'âge minimum d'un départ à taux plein : «A 63 ans, vous avez une meilleure retraite, à 64 ans vous avez une meilleure retraite, c'est ça l'idée [de la réforme].»
Surprenant les interlocuteurs autour de la table, elle ajoute : «Plus on travaille[ra] longtemps, plus la retraite [sera] élevée.» Interrogée pour savoir si la réforme envisagée reprendra la substance du régime actuel, c'est-à-dire un départ possible à 62 ans en taux plein, si le nombre de trimestres validés est suffisant, Agnès Pannier-Runacher complète : «Si vous partez avant 62 ans, vous aurez une décote c'est normal.»
«Non mais si le départ est à 62 ans ?», revient Olivier Mazerolle, journaliste présent autour de la table. «L'objectif c'est de dire [qu'] il faut [...], pour avoir votre retraite à taux plein, arriver a minima jusqu'à 62 ans, [...] c'est la règle de base», justifie-t-elle, en poursuivant : «Si vous travaillez plus, votre contribution et les cotisations retraites, que vous payez en plus, continueront à incrémenter votre retraite.»
«Ce que vous essayez de nous expliquer, c'est que si on part à 62 ans, on ne perdra pas d'argent par rapport au système actuel ?», s'étonne Olivier Mazerolle. «L'objectif est effectivement de ne pas faire perdre d'argent», confirme Agnès Pannier-Runacher, revenant sur le besoin de lisser les 42 régimes différents de retraite. Quelque peu interloqué par les réponses d'Agnès Pannier-Runacher, Olivier Mazerolle revient à la charge : «Pour le régime général, qui est le plus courant, est-ce qu'à 62 ans, on aura, par rapport, à la situation d'aujourd'hui, [...] moins d'argent ou est-ce que ce sera la même somme ?»
«Ca sera la même somme», assure Agnès Pannier-Runacher, qui relève toutefois que la comparaison ne tient pas, puisque la valeur du point évoluera certainement dans les années à venir. Elle n'a néanmoins pas su dire quand et à combien cette valeur serait fixée. Dans la future réforme, un euro cotisé correspondra effectivement à une valeur équivalente pour n'importe quel salarié.
Autre flou : Agnès Pannier-Runacher confirme que la réforme ne concernera «pas les gens qui sont proches de la retraite». «Proche cela veut dire quoi ?», l'interroge alors la journaliste en plateau. La secrétaire d'Etat hésite et répond de manière vague : «En gros, à 5/10 ans [de la retraite], vous n'êtes pas immédiatement concernés.» «Pour ceux qui ont 55 ans, cela ne les concernera pas ?», relance la journaliste. «A priori, non».
Bastien Gouly
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