Une enquête pour «abus de confiance» a été ouverte à Paris le 9 mai après la plainte de certains participants à la cagnotte de soutien à l'ex-boxeur Christophe Dettinger. Les plaignants accusent Leetchi d'avoir «détourné les fonds», et certains souscripteurs ont été contactés pour témoigner, a appris le 11 juin l'AFP de source judiciaire.
La cagnotte avait été créée en soutien à Christophe Dettinger, filmé en train de frapper deux gendarmes lors de l'acte 8 des Gilets jaunes le 5 janvier à Paris. Devenu un symbole du mouvement, il a été condamné en février à un an de prison ferme, aménageable en semi-liberté, et 18 mois de sursis avec mise à l'épreuve.
Juste après la diffusion de la vidéo en janvier, les dons avaient afflué, atteignant en deux jours 130 000 euros selon Leetchi, 145 000 euros selon le couple Dettinger. Mais le 8 janvier, la plateforme, vivement critiquée jusqu'au sein du gouvernement qui dénonçait une apologie de la violence contre les forces de l'ordre, a fermé la cagnotte et bloqué l'argent.
A la mi-avril, quarante souscripteurs ont porté plainte, estimant que Leetchi avait «manifestement détourné les fonds remis par les participants» en les «retenant», en «procédant unilatéralement au remboursement de certains participants» et «en modifiant unilatéralement [leur] destination».
Selon Leetchi, l'organisateur s'était engagé à ce que les sommes récoltées servent «uniquement» à couvrir les frais de justice de Christophe Dettinger. L'organisateur «ne s'est jamais engagé à ce que les fonds ne servent que pour les frais d'avocats», répond son avocate Laurence Léger qui défend aussi le couple Dettinger.
«Pour quelles raisons avez-vous souscrit un don à la cagnotte Leetchi en soutien à Christophe Dettinger ?»
Dans au moins un courriel dont a eu connaissance l'AFP, un officier de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) a convoqué le 11 juin plus d'une centaine de donateurs pour venir témoigner le 12 ou le 13 juin. Ceux qui ne peuvent pas venir se sont vu adresser deux questions auxquelles ils doivent répondre par écrit : «Pour quelles raisons avez-vous souscrit un don à la cagnotte Leetchi en soutien à Christophe Dettinger ?» et «A quelle date avez-vous souscrit et quel était le motif de la cagnotte sur le site ?».
«C'est un détournement de procédure, aucun d'entre eux ne peut aider à déterminer s'il y a eu abus de confiance», a réagi Laurence Léger auprès de l'AFP, y voyant une forme de «pression» et d'«intimidation».
Ce message a par ailleurs été envoyé, sans cacher les adresses des uns et des autres. «Je trouve ça choquant», a déclaré à l'AFP l'un des souscripteurs contactés, s'étonnant d'avoir ainsi «accès à un groupe de donateurs de Leetchi, alors que dans les conditions générales, on est protégé».
Sur les réseaux sociaux le soir du 11 juin, de nombreuses personnes dénonçaient aussi le fait que Leetchi ait communiqué ces coordonnées à la police. La plateforme ne peut pourtant pas s'y opposer dans le cas d'une réquisition judiciaire.
Dans un autre dossier, la justice civile, saisie par Leetchi comme par le couple Dettinger et l'organisateur de la collecte, doit stipuler le 19 juin à Paris si la plateforme avait le droit de suspendre la cagnotte ou si elle doit verser l'argent à l'ex-boxeur.