Améliorer la «diversité sociale» au sein des établissements les plus prestigieux : c'est le souhait du gouvernement, qui veut diversifier les profils des étudiants dans les grandes écoles ultra-sélectives, en créant par exemple des voies alternatives aux concours ou des quotas.
Il est temps d'avoir dans nos grandes écoles une représentation plus ressemblante de notre société, dans sa diversité géographique et sociale
«Il est temps d'avoir dans nos grandes écoles une représentation plus ressemblante de notre société, dans sa diversité géographique et sociale», a déclaré Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, dans une interview au Monde le 4 juin. Sont concernés par la future réforme : Polytechnique, HEC, l'Essec ou encore Normale Sup'.
Les institutions d’enseignement supérieur réputées sont donc dans le viseur du gouvernement. Après le grand débat national, Emmanuel Macron avait notamment fait part de sa volonté de supprimer de l’Ecole nationale d’administration (ENA), en avril. Le président de la République a depuis missionné l'avocat et énarque Frédéric Thiriez, dont les propositions sont attendues dans six mois. Le chef d'Etat, lui-même diplômé de l'ENA, a justifié cette décision, qui a pu sembler à certains quelque peu démagogique, pour «bâtir quelque chose qui fonctionne mieux».
«Comme l’ENA, les grandes écoles françaises sont un levier de transformation sociale et politique du pays», a affirmé Frédérique Vidal le 4 juin à l'Assemblée générale de la Conférence des grandes écoles, ajoutant : «C'est ensemble que nous relèverons le défi de l'égalité des chances, de la mixité sociale, de la lutte contre l'autocensure. C'est tout l'objectif de la mission que j'ai confiée aujourd'hui à plusieurs directeurs de grandes écoles.»
D'après le ministre, l'enseignement supérieur compte «38% de boursiers, mais ils sont seulement 19% à l'Ecole normale supérieure [Paris] ou encore 11% à Polytechnique, qui ne réunissait que 2% d’enfants d’ouvriers et d'employés dans sa dernière promotion». Le ministre se lance donc l'objectif d'«augmenter significativement» dans ces écoles la part d'étudiants issus de milieux populaires et des zones géographiques éloignées des grands centres.
La membre du gouvernement confirme au Monde avoir envoyé «une lettre de mission aux directeurs de l’Ecole polytechnique, des Ecoles normales supérieures (Paris, Saclay, Lyon) mais aussi de HEC, de l’Essec et de l’ESCP Europe [...] pour s’engager sur le sujet». «J’attends leurs premières propositions à la mi-juillet», complète-t-elle.
Frédérique Vidal assure que «trois aspects devront être examinés» : «La diversification des voies d’accès, le contenu des formations et la vie étudiante, ainsi que l'égal accès aux fonctions et aux emplois à la sortie.» «S'il faut en passer par la voie législative, on le fera», prévient-elle.
Frédérique Vidal va-t-elle offrir des «passe-droits» à certains élèves ?
«Il n'est plus possible d’avoir des chances infinitésimales de rejoindre certains grands établissements si on ne vient pas d'une classe préparatoire parisienne», appuie Frédérique Vidal. Pour le ministre, la réflexion qui s'ouvre doit d'ailleurs être «sans tabou». Elle se dit prête, notamment, à créer des voies alternatives aux concours pour intégrer les établissements, sur le modèle de ce qu'a fait Sciences Po Paris.
Science Po Paris a été effectivement l'une des premières grandes écoles à initier dès 2001 la discrimination positive, en lançant le dispositif des Conventions éducation prioritaire (CEP), une voie d’accès sélective spécifiquement dédiée aux élèves issus des lycées relevant de l'éducation prioritaire.
«Peut-on sélectionner de manière égale, c’est-à-dire indifféremment, de jeunes gens aux conditions et aux opportunités radicalement différentes ?», a questionné le ministre, sans exclure l'idée d'instaurer des quotas de boursiers.
«Une mauvaise idée», a déjà réagi François Bouchet, directeur général de Polytechnique. Il alerte par ailleurs : «On accorde beaucoup d'importance à préserver l'excellence de notre recrutement. Ça passe par une sélectivité très importante qu'on ne peut pas court-circuiter par des systèmes qui pourraient être vus comme des passe-droits.» François Bouchet propose comme solution alternative de «détecter les bons profils, le plus en amont possible».
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