«Comprendre la mécanique quantique» : c'est le sujet que Jean Bricmont, professeur de physique à l'université belge de Louvain-La-Neuve (UCL) et membre de l'Académie royale de Belgique devait aborder le 28 mai dans le cadre d'un séminaire scientifique sur le campus Valrose de l'université de Nice. Mais c'était sans compter sur les protestations d'associations étudiantes, qui ont dénoncé la venue de l'intellectuel (par ailleurs auteur d'ouvrages consacrés à la liberté d'expression et engagé contre la loi Gayssot) et ses positions politiques supposées. La conférence universitaire a finalement été déprogrammée.
Pressions et appels à perturber la conférence
Quelques jours avant l'événement, David Nakache, président de l'association Tous citoyens, s'était scandalisé sur Twitter : «L'université de Nice invite Jean Bricmont, complotiste, défenseur de Dieudonné et de plusieurs négationnistes au nom de la liberté d'expression. Un minimum d'éthique s'impose ! Je demande des explications à l'université de Nice.» L'organisation diffusait sur internet un communiqué accusant l'établissement, en organisant ce séminaire de sciences, de faire le «lit du populisme et du négationnisme», délit pour lequel Jean Bricmont n'a jamais été condamné.
«Nous appelons les étudiant-e-s qui le souhaitent à aller mettre le zbeul à cette conférence», conseillait pour sa part le syndicat Solidaires étudiant-e-s Nice sur sa page Facebook, voyant en Jean Bricmont «un personnage qui fait partie d'un microcosme politique des plus dérangeants, celui de l’extrême droite antisémite et complotiste».
«Pendant des siècles, les universités se sont battues pour préserver leur indépendance»
Réfutant totalement le qualificatif d'«extrême droite» qui lui est attribué par ses adversaires, Jean Bricmont, joint par RT France, a regretté l'annulation : «Ce qui est extraordinaire, c’est qu’une organisation non-universitaire arrive sans discussion à imposer sa volonté à des universités.» Et l'auteur de La République des censeurs d’ajouter, à l'attention de ses détracteurs qui se félicitaient de la mobilisation de la «société civile» contre sa venue : «Pendant des siècles, les universités se sont battues pour préserver leur indépendance vis-à-vis de l’Eglise et de l’Etat, et maintenant elles cèdent face à ce qu’on appelle la "société civile" dès que celle-ci invoque les droits de l'homme ou ce qui lui plait.»
De son côté, David Nakache, également contacté par RT France, estime que la venue du physicien aurait instillé de «la confusion dans l’esprit des étudiants». Dénonçant le «relativisme absolu» de l’essayiste belge (ce que conteste ce dernier), il fustige ses interventions qui, «sous couvert de la défense de la liberté d’expression», alimenteraient en réalité «le lit de l’extrême droite». Il se félicite par ailleurs de la «profonde réflexion» engendrée au sein de l’université sur les choix des personnes susceptibles d’intervenir au sein de l’établissement.
Entre autres engagements politiques, Jean Bricmont a signé une pétition en 2010, par ailleurs soutenue par le linguiste américain engagé Noam Chomsky, «pour l'abrogation de la loi Gayssot [qui condamne la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité tels que définis par le Tribunal militaire international de Nuremberg] et la libération de Vincent Reynouard». Le texte de la pétition précise qu'il «ne s’agit pas, pour les signataires [...] de soutenir les idées de Vincent Reynouard [condamné et incarcéré pour négationnisme] mais de défendre son droit à les exprimer».
Egalement jointe par RT France, l'université de Nice, qui n'a pas communiqué officiellement sur la déprogrammation du séminaire (faisant simplement état d'une «séance annulée»), n'était pas disponible dans l'immédiat pour commenter.